ncore une
etincelle du sentiment qui me faisait taire moi-meme? Quoi que ce
fut, la commission n'entendit pas prononcer le nom de la fille du
commandant de Belogorsk. J'en fus encore mieux confirme dans la
resolution que j'avais prise, et, quand les juges me demanderent
ce que j'avais a repondre aux inculpations de Chvabrine, je me
bornai a dire que je m'en tenais a ma declaration premiere, et que
je n'avais rien a ajouter a ma justification. Le general ordonna
que nous fussions emmenes; nous sortimes ensemble. Je regardai
Chvabrine avec calme, et ne lui dis pas un mot. Il sourit d'un
sourire de haine satisfaite, releva ses fers, et doubla le pas
pour me devancer. On me ramena dans la prison, et depuis lors je
n'eus plus a subir de nouvel interrogatoire.
Je ne fus pas temoin de tout ce qui me reste a apprendre au
lecteur; mais j'en ai entendu si souvent le recit, que les plus
petites particularites en sont restees gravees dans ma memoire, et
qu'il me semble que j'y ai moi-meme assiste.
Marie fut recue par mes parents avec la bienveillance cordiale qui
distinguait les gens d'autrefois. Dans cette occasion qui leur
etait offerte de donner asile a une pauvre orpheline, ils voyaient
une grace de Dieu. Bientot ils s'attacherent sincerement a elle,
car on ne pouvait la connaitre sans l'aimer. Mon amour ne semblait
plus une folie meme a mon pere, et ma mere ne revait plus que
l'union de son Petroucha a la fille du capitaine.
La nouvelle de mon arrestation frappa d'epouvante toute ma
famille. Cependant, Marie avait raconte si naivement a mes parents
l'origine de mon etrange liaison avec Pougatcheff, que, non
seulement ils ne s'en etaient pas inquietes, mais que cela les
avait fait rire de bon coeur. Mon pere ne voulait pas croire que
je pusse etre mele dans une revolte infame dont l'objet etait le
renversement du trone et l'extermination de la race des
gentilshommes. Il fit subir a Saveliitch un severe interrogatoire,
dans lequel mon menin confessa que son maitre avait ete l'hote de
Pougatcheff, et que le scelerat, certes, s'etait montre genereux a
son egard. Mais en meme temps il affirma, sous un serment
solennel, que jamais il n'avait entendu parler d'aucune trahison.
Les vieux parents se calmerent un peu et attendirent avec
impatience de meilleures nouvelles. Mais pour Marie, elle etait
tres agitee, et ne se taisait que par modestie et par prudence.
Plusieurs semaines se passerent ainsi. Tout a coup mon pere recoit
|