ne nous as pas encore dit le nom de ton amie la
musicienne.
--C'est singulier," repondit Destroy. Il ajouta aussitot: "Mme
Thillard-Ducornet."
Ce nom fut un coup de foudre pour le mari et la femme; tous deux
tressaillirent, notamment Rosalie, qui, moins maitresse d'elle-meme,
faillit se trouver mal.
"Comment! s'ecria Clement en regardant Max avec stupeur, la femme de cet
agent de change qui a ete assassine?
--Non, qui s'est noye," fit observer Destroy.
Tout a coup, Rosalie, frappant dans ses mains, eclata de rire, mais d'un
rire force et convulsif, tandis que son mari, l'air hebete, reprenait
precipitamment:
"Oui, c'est ce que je voulais dire, noye. On l'a repeche, si je ne me
trompe, dans les filets de Saint-Cloud.
--Est-ce que tu l'as connu? demanda Max.
--Pardieu! fit Clement qui recouvra subitement son sang-froid. Juge
toi-meme si j'ai lieu d'etre surpris: Thillard-Ducornet est precisement
l'agent de change chez lequel j'ai ete garcon de recettes.
--Effectivement, dit Max stupefait a son tour, la rencontre est on ne peut
plus etonnante.
--Et je riais, dit Rosalie, en songeant combien la fortune est drole.
Voici une femme qui jadis n'eut pas voulu de moi pour sa femme de chambre
et qui est aujourd'hui ma maitresse de piano."
Destroy, qui ne s'etait pas apercu que Rosalie fut vindicative, ne put,
sans etonnement, l'entendre parler ainsi.
"Le fait est, dit Clement encherissant sur sa femme, que ce jeu de bascule
a quelque chose de comique."
Max fut d'avis que, par menagement pour Mme Thillard, loin d'ebruiter
cette circonstance, il fallait la tenir dans le plus profond secret.
"C'est justement ce que j'allais te dire," repliqua Clement....
VIII.
Singulieres preoccupations de Rosalie.
Avec l'aisance, commencaient a se glisser, dans l'interieur de Clement,
les connaissances et les amis. En premier lieu, par suite de son
changement d'etat, il s'etait cree de nouvelles relations, relations, pour
la plupart, des plus honorables. Ainsi, sans parler de l'abbe Frepillon,
qui, occupe d'un cours de theologie, vivant d'ailleurs comme un benedictin,
ne venait le voir qu'a de rares intervalles, il recevait frequemment la
visite d'un beau vieillard, pretre, chanoine, qu'on appelait l'abbe
Ponceau, et celle d'un juge d'instruction, nomme M. Durosoir, ces deux
derniers, par parenthese, grands amateurs de musique. Clement, devenu
graduellement membre d'une foule de societes, entre autres
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