bords de ses paupieres. Clement les ecoutait d'un air
dedaigneux ou les raillait impitoyablement de leurs souvenirs. Rosalie
parla ensuite de son enfant avec une tendresse passionnee. Son grand
regret etait de ne pas pouvoir le nourrir. Elle devait se contenter d'en
avoir des nouvelles hebdomadairement. Il etait en nourrice a
Saint-Germain.
"Un jour, dit-elle a Destroy, nous irons le voir ensemble.
--A la bonne heure, dit Clement; tache d'aller mieux; nous ferons tous les
trois cette promenade."
Rosalie, que sa faiblesse habituelle rendait incapable de bouger et qui
mangeait a peine, avoua bientot que depuis longtemps elle ne s'etait
trouvee aussi bien. Elle eut effectivement la force de faire quelques pas
et de s'asseoir a table. Son mari en marqua beaucoup de joie; il derida
son front et laissa glisser de ses levres quelques saillies de son ancien
repertoire. Rosalie, qui attribuait le bien-etre exceptionnel qu'elle
goutait a la presence de Destroy, epuisa les temoignages de la plus tendre
amitie envers lui, et le supplia, des qu'il pensa a s'en aller, de ne pas
tarder a revenir.
"Venez diner avec nous tous les jours, si vous voulez, ajouta-t-elle, ne
vous genez pas; ce n'est pas du plaisir, c'est du bonheur que vous nous
causerez."
Clement, avec l'accent de la franchise, confirma pleinement ce que disait
sa femme.
A dater de ce moment, Max fit de frequentes apparitions dans cet
interieur. A dire vrai, sa venue qui, dans le principe, agissait si
heureusement sur Rosalie, perdit sensiblement de son efficacite. Il crut
remarquer que la pauvre femme ne redoutait rien autant que la solitude, et
que ses nombreuses rechutes provenaient surtout du manque de distractions.
Il en parla a Clement. Celui-ci deplorait son impuissance a y remedier. A
cause de sa place, il ne pouvait rester aupres de Rosalie plus qu'il ne
faisait. Elle etait d'ailleurs trop faible pour qu'il songeat a la
conduire soit au theatre, soit a la promenade. Du moins esperait-il
pouvoir prochainement la mettre a meme de se distraire sans quitter la
maison.
En effet, quelques mois plus tard, ayant touche les premiers benefices
d'une operation commerciale qu'il detailla minutieusement a son ami, il
s'empressa de realiser le plan qu'il avait lentement muri dans sa tete. Il
loua, rue de Seine, au second d'une maison magnifique, un bel appartement
qu'il garnit de meubles neufs, commodes et elegants. Tout en effectuant
ces depenses, il s'accusait
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