nt drole.
Comme cette pensee le faisait rire il s'arreta tout a coup, et se frappa
le front.
Et pourquoi n'en aurait-elle pas attrape un? N'etait-il pas bizarre
qu'apres son aventure elle eut voyage a l'etranger, se sauvant? On ne se
sauve pas quand on n'a rien a cacher; on ne disparait pas pendant des
mois.
L'interessant serait de savoir combien de temps avait dure son absence
et ou le comte l'avait cachee.
Quand il avait appris qu'elle etait partie avec M. de Chambrais, cette
idee lui avait bien traverse l'esprit, mais il ne s'y etait pas arrete;
se disant qu'il etait plus raisonnable de supposer, plus vraisemblable
de croire qu'elle se sauvait pour n'etre pas exposee a le rencontrer
et pour echapper a ses poursuites. Et pour se distraire lui-meme, pour
secouer son ennui, sa mauvaise humeur, son chagrin, il avait accepte de
partir pour l'Amerique, sans attendre qu'elle fut de retour. Jamais,
depuis, cette idee d'enfant ne lui etait venue, mais ce que Soupert lui
avait raconte devait le faire reflechir.
Quelle etait cette petite fille, que le comte aurait eue, qu'on elevait
chez un garde du chateau, a qui le comte leguait sa fortune, sans que sa
niece s'en fachat?
Cela n'etait-il pas bizarre, alors surtout qu'en considerant l'age de
cette entant: onze ans, douze ans, disait Soupert; mais justement si
Ghislaine avait eu un enfant, celui-ci precisement serait de cet age.
N'etait-ce pas la une coincidence extraordinaire ou tout au moins
curieuse?
--He, he!
Mais il ne fallait pas s'emballer, et comme la marche lui fouettait le
sang, il s'assit a un carrefour ou se trouvait un bouquet d'arbres;
l'endroit etait desert; en cette journee du dimanche les champs etaient
abandonnes; personne ne le derangerait dans ses reflexions.
Etait il possible que M. de Chambrais eut organise cette supercherie de
l'enfant naturel? Pour lui, apres la demarche du comte et ses menaces,
la question n'etait pas douteuse: capable de tout, le comte pour
sauver l'honneur de son nom. Si sa niece etait dans une situation
embarrassante, rien de plus simple que de prendre l'enfant a son compte.
Mais ce qui ne l'etait pas, et ne se comprenait guere, c'etait que cet
enfant, ne a l'etranger, fut amene en France et installe justement au
chateau: si Ghislaine etait sa mere elle ne devait pas desirer l'avoir
pres d'elle, et si le comte etait son oncle, il ne devant pas instituer
son legataire un enfant qui, pour tous deux, ne pouvait e
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