meme qu'elle le ramenait a
un doute qui jusqu'a sa mort l'a tourmente, et meme plus que tourmente,
angoisse, desespere. C'est il y a trente-et-un ans que Gaston fit la
connaissance des demoiselles Dufourcq qui demeuraient a deux kilometres
environ de Peyrehorade au haut de la cote, a l'endroit ou la route de
Dax arrive sur le plateau. La se trouvait autrefois une auberge tenue
par le pere et la mere Dufourcq; a la mort de leurs parents, les deux
filles, qui etaient intelligentes et qui avaient recu une certaine
instruction, eurent le flair de comprendre le parti qu'elles pouvaient
tirer de leur heritage en transformant l'auberge en une maison de
location pour les malades qui voudraient jouir du climat de Pau, en
pleine campagne et non dans une ville. Tu connais l'endroit.
--Je me rappelle meme la vieille auberge.
--Tu vois donc que la situation est excellente, avec une etendue de vue
superbe; ce fut ce qui attira les etrangers, et aussi la transformation
que ces deux filles avisees firent subir a la vieille auberge, devenue
par elles une maison confortable avec bon mobilier, jardins agreables,
cuisine excellente, et le reste. De l'une de ces filles, l'ainee,
Clotilde, il n'y a rien a dire, c'etait une personne qui ne se faisait
pas remarquer et ne s'occupait que de sa maison; de la jeune Leontine il
y a beaucoup a dire, au contraire: jolie, coquette, mais jolie d'une
beaute a faire sensation, et coquette a ne repousser aucun hommage. Ton
frere la connut en allant voir un de ses amis etabli chez les soeurs
Dufourcq pour soigner sa femme poitrinaire, et il devint amoureux
d'elle. Tu penses bien qu'une fille de ce caractere n'allait pas tenir a
distance un homme tel que M. de Saint-Christeau. Quelle gloire pour elle
de le compter parmi ses soupirants! Ils s'aimerent; tous les deux jours
Gaston faisait trente kilometres pour aller prendre des nouvelles de la
femme de son ami. Ou cet amour pouvait-il aboutir? Leontine Dufourcq
s'imagina-t-elle qu'elle pouvait devenir un jour la femme de M. de
Saint-Christeau? C'etait bien gros pour une fille de sa condition. De
son cote Gaston domine par sa passion promit-il le mariage pour
l'emporter sur un jeune Anglais, fort riche et malade qui, habitant la
maison, proposait, dit-on, a Leontine de l'epouser? C'est ce que
j'ignore, car je n'ai appris toute cette histoire que par bribes, un peu
par celui-ci, un peu par celui-la, c'est-a-dire d'une facon
contradictoire. Ce qu'il y a de c
|