ertain, c'est que Leontine devint
enceinte. Pourquoi a ce moment Gaston ne l'epousa-t-il pas? Probablement
parce qu'il desespera d'obtenir un consentement, qu'il n'aurait meme pas
ose demander. Vois-tu la fureur de votre pere, en apprenant que son aine
voulait epouser la fille d'un aubergiste?
--Notre pere n'aurait jamais donne son consentement; il aurait plutot
rompu avec Gaston, malgre toute sa tendresse, toute sa faiblesse pour
son aine.
--On n'en vint pas a cette extremite, et si votre pere connut la liaison
de son fils avec Leontine, il ne crut certainement qu'a une amourette
sans consequence. D'ailleurs, avant que la grossesse fut apparente,
Leontine quitta Peyrehorade pour aller habiter Bordeaux, ou elle se
cacha; on dit dans le pays qu'elle etait aupres d'une soeur ainee,
mariee en Champagne. Chaque semaine Gaston fit le voyage de Bordeaux; a
Royan on les rencontra ensemble. En meme temps qu'elle quittait
Peyrehorade, le jeune Anglais, qui s'appelait Arthur Burn, partait
aussi; on a raconte qu'on les avait vus, lui et elle, a Bordeaux; est-ce
vrai, est-ce faux? je l'ignore; mais tout me parait croyable avec une
femme coquette comme celle-la; si elle n'epousait pas Gaston qu'elle
devait, semblait-il, preferer, elle retrouverait son Anglais; condamne a
une mort prochaine, celui-la etait a menager. Chose extraordinaire, ce
ne fut pas le malade qui mourut, ce fut la belle fille, saine et forte:
un mois apres l'accouchement, elle fut emportee tout d'un coup. L'enfant
n'avait pas ete reconnu par Gaston qui, sans doute, voulait le legitimer
par mariage subsequent quand il le pourrait faire. La tante Clotilde le
prit avec elle a Peyrehorade et l'eleva comme son neveu en le disant
fils de sa soeur ainee, la Champenoise. Des annees s'ecoulerent sur
lesquelles je ne sais rien, si ce n'est que Gaston allait voir l'enfant
quelquefois chez sa tante, et que, quand le moment arriva de le mettre
au college a Pau, il paya sa pension. Il se montra eleve applique,
studieux, intelligent, et il entra a Saint-Cyr dans les bons numeros. Ce
fut en costume de Saint-Cyrien que, pour la premiere fois, il vint au
chateau ou il passa une partie de ses vacances a pecher, a chasser, a
galoper. Pour ceux qui n'avaient pas oublie les amours avec Leontine, ce
sejour fut le commencement de la reconnaissance du fils par le pere, car
pour tout le monde Valentin etait bien le fils de Gaston; personne ne
doutait de cette paternite, et moi-meme qui,
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