aron et raconter ce qu'il savait de lui.
C'etait au college de Pau qu'ils s'etaient connus, gamins l'un et
l'autre puisqu'ils etaient du meme age. Et deja l'enfant montrait ce que
serait l'homme: une seule passion, les exercices du corps, tous les
exercices du corps. Dans ce genre d'education il avait accompli des
prodiges dont le souvenir servirait longtemps d'exemple aux maitres de
gymnastique de l'avenir. Avec cela, bon garcon, franc, genereux, n'ayant
qu'un defaut, la rancune: de meme que ses tours de force etaient
legendaires, ses vengeances l'etaient aussi. Entre eux il n'y avait
jamais eu que d'amicales relations, et si, pendant le temps de leur
internat, ils n'avaient pas vecu dans une intimite etroite, au moins
etaient-ils toujours restes bons camarades jusqu'au depart de d'Arjuzanx
qui avait quitte le college avant la fin de ses classes. Pendant plus de
douze ans, ils ne s'etaient pas vus, et ne s'etaient retrouves qu'a
l'arrivee du capitaine a Bayonne.
Ce que le baron promettait au college, il l'avait tenu dans la vie, et
aujourd'hui il realisait certainement le type le plus parfait de l'homme
de sport: tous les exercices du corps il les pratiquait avec une
superiorite qui lui avait fait une celebrite; l'escrime et l'equitation
aussi bien que la boxe; il faisait a pied des marches de douze a quinze
lieues par jour pour son plaisir; et il regardait comme un jeu d'aller
de Bayonne a Paris sur son velocipede. Cependant c'etait la lutte
romaine, la lutte a mains plates, qui avait surtout etabli sa
reputation, et il avait pu se mesurer sans desavantage, au cirque
Molier, avec Pietro, qui est reconnu par les professionnels comme le roi
des lutteurs. C'etait la pratique constante de ces exercices et
l'entrainement regulier qu'ils exigent qui lui avaient donne cette
musculature puissante qu'on ne rencontre pas d'ordinaire chez les gens
du monde. Pour s'entretenir en forme, il avait dans son chateau un
ancien lutteur, un vieux professionnel precisement, appele Toulourenc,
autrefois celebre, avec qui il travaillait tous les jours, et, d'une
seance de lutte ou d'escrime, il se reposait par deux ou trois heures
de cheval ou de course a pied.
Madame Barincq ecoutait stupefaite; sa surprise fut si vive, qu'elle
interrompit:
--Est-ce que la lutte a mains plates dont vous parlez est celle qui se
pratique dans les foires?
--C'est en effet cette lutte, ou plutot c'etait, car elle n'est plus
maintenant, comme autrefo
|