n'est qu'un disciple plus pur et mieux doue que
ses maitres. Il y a une troisieme version qui ne me plait pas et qui a
pourtant sa valeur: c'est qu'il n'a jamais existe de Jesus proprement
dit, et que sa vie n'est qu'un poeme et une legende qui resume plusieurs
existences plus ou moins interessantes, comme son Evangile ne serait
qu'un ensemble de versions plus ou moins authentiques d'une meme
doctrine sujette a mille interpretations. Je crois que vous admettez la
possibilite de toutes ces choses; il faut bien l'admettre quand on n'a
pas de certitude et de preuve historique incontestable.
Mais vous dites en vous-meme: "Qu'importe, apres tout, si nous avons
sauve de tous ces naufrages de la realite historique, une verite
philosophique, une doctrine admirable?" Tres bien, je pense comme vous;
mais je ne tiens pas a appeler christianisme cette doctrine, qui n'est
peut-etre pas du tout celle du nomme Jesus, lequel n'a peut-etre jamais
ete crucifie; et je tiens encore moins a m'enthousiasmer pour un
personnage legendaire qui n'a pas la realite de Platon, de Pythagore,
d'Aristote et de tous les grands esprits que nous savons avoir vecu
eux-memes, pense, parle, ecrit ou souffert en personne.
Remarquez que cette situation apocryphe, ou tout au moins douteuse, du
fondateur du christianisme ouvre la porte a des croyances tout a fait
contradictoires et que cette doctrine si belle a fait dans le monde
autant de mal que de bien, par la raison qu'elle part d'une sorte de
mythe. C'est un beau rayon dont le soleil est cache dans les nuages.
Platon, Pythagore et les autres fondateurs reels de doctrines ou de
methodes bien definies n'ont jamais fait que du bien. Jesus a apporte
l'hypocrisie et la persecution dans la vie humaine et sociale, et cela
dure depuis dix-huit cents ans et plus; a l'heure qu'il est, nous sommes
plus que jamais persecutes en son nom, prives de liberte et traques par
ses pretres dans tous les replis de notre existence. Arriere donc
le Dieu Jesus! Aimons en philosophe cette charmante figure de roman
oriental; mais ne cherchons pas a faire croire a sa divinite ni a sa
presque divinite, pas plus qu'a sa realite humaine. Nous ne savons rien
de lui, et nous voici en presence de l'oeuvre collective des apotres,
qui souffre la critique a bien des egards. Libre a nous de choisir la
version qui nous plait le mieux et de rebatir chacun le temple de
la nouvelle Jerusalem selon les besoins de notre coeur, de notre
conscienc
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