lus que moi, qui
veux pourtant en avoir et qui retombe a chaque instant dans les larmes.
Il est plus heureux que nous pourtant, lui[1]! il a monte d'un degre
dans une phase plus epuree et moins douloureuse certainement que la
cruelle vie ou nous nous trainons, ou nous ne sommes heureux que par
l'affection, et ou justement nous perdons la source de notre bonheur,
nos enfants, nos parents, nos amis, au moment ou nous comptons le plus
qu'ils nous survivront. Ah! ce n'est vraiment pas vivre que d'etre ainsi
tous les jours a trembler ou a pleurer, et il y a quelque chose de
mieux, ou bien tout n'est qu'un reve, Dieu, la vie, et nous-memes.
Croyons; comptons sur une justice et sur une bonte en dehors de notre
appreciation; moi, je ne pourrais pas ne pas croire; je sens si
profondement que le depart de cet adorable enfant ne lui a rien ote de
mon affection et qu'il vit toujours pour moi, et aupres de moi, comme si
je le voyais! vous devez sentir cela encore plus que moi, vous sa
tendre mere. Il n'est donc pas parti, il ne nous a pas quittes. Il est
invisible pour nous; mais il nous aime toujours, en quelque lieu et sous
quelque forme qu'il existe.
Nous lui devons autant, disparu, que nous lui devions quand il etait la.
Aussi vous lui devez de vivre avec courage, de prendre soin de vous,
et de vous conserver jeune et forte pour soigner ce pauvre pere
souffreteux, qui ne vit que parles soins de l'affection et son propre
courage. Et l'autre enfant, si beau et si bon, lui aussi, a besoin que
vous l'aimiez, et tant d'amis devoues, et nous qui ne faisons qu'un
coeur avec vous dans cette mortelle douleur!
Le prince en a ete dechire aussi; il m'a ecrit une lettre desolee. Tout
le monde l'aimait, ce cher etre, si aimable et si expansif.
Maurice a ete si bouleverse et si etouffe, que j'en ai ete inquiete.
Bonne amie, epanchez-vous avec nous; parlez-nous de _lui_, de Frederic,
de vous, et de Georges.
Pleurez, ne vous retenez pas. N'ayez pas de courage et de reserve avec
nous; n'ayez de force que pour reprendre la vie de devouement, et croyez
que nous sommes a vous, Maurice et moi, corps et ame.
G. SAND.
[1] Lucien Villot.
DVII
A M. CHARLES DUVERNET, A NEVERS
Nohant, 21 fevrier 1862.
Cher ami,
Tu sais quelle douleur nous a frappes. Tu connaissais peu cet enfant;
mais tu as du souvent nous entendre dire que c'etait un coeur d'or. Sous
le rapport de la tendresse, de l'expa
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