it par votre volonte, et qu'il
triomphe par votre conviction? Pourquoi donc, mon Dieu? Faut-il, pour
repandre l'ideal, se faire devot et invoquer tous les mensonges du
catholicisme, quand il est si bien prouve que l'homme est en age d'etre
par lui-meme des qu'il le voudra?
Prenez garde, en verite! Tous ces charmants jeunes gens auxquels le
jeune lecteur voudrait ressembler, sont des miserables. Toutes ces
femmes honnetes sont des niaises, et si impuissantes a conjurer le mal,
qu'elles sont de trop sur la terre. Elles ne servent qu'a excuser les
maris infideles par l'ennui qu'elles leur procurent. Il n'y a de logique
que Madelon. Si la nature humaine est ainsi faite autour d'elle, elle a
raison de la mepriser et de ne plus rougir de rien.
Horrible conclusion d'un recit admirable de tous points et devant lequel
tout ce que l'on a de litterature dans l'esprit, s'incline sans reserve,
mais devant lequel aussi tout ce que l'on a d'honnetete dans le coeur se
revolte douloureusement.
Ne pensez pas que je ne comprenne point du tout ce que vous avez voulu
faire et que je ne voie pas le cote sain de cette violente etude.
Je sais que montrer et devoiler les mauvais et les laches est plus
instructif que la predication et la lecture de la _Vie des Saints_. Je
conviendrai avec vous que, Feuillet et moi, nous faisons, chacun a notre
point de vue, des legendes plutot que des romans de moeurs. Je ne vous
demande, moi, que de faire ce que nous ne savons pas faire; et, puisque
vous connaissez si bien les plaies et les lepres de cette societe, de
susciter le sens de la force en le prenant justement dans le milieu que
vous montrez si vrai, et que vous avez si magnifiquement observe et
disseque.
Je vous demande, je vous supplie, a present que vous venez de faire le
chef-d'oeuvre de la victoire du mal, de nous faire le chef-d'oeuvre du
reveil au bien. Montrez-nous un veritable homme de coeur ecrasant ces
vermines, bravant ces luxures, meprisant avec une facilite logique et
simple cette sotte vanite de paraitre fort dans l'absurde et puissant
dans l'abus de la vie; vous venez de prouver que cette vanite est
toujours souffletee par la nature qui se venge.
Ayez le courage d'incarner la preuve du triomphe. Que les mechants
triomphent si vous voulez dans l'opinion. Inutile de farder le monde si
bete et si corrompu; mais que Job sur son fumier soit le plus beau et le
plus heureux de tous; si beau, que le jeune lecteur aime mieux etre Job
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