urs, cher
prince, et soyez sur que la vraie France est avec vous. Elle vous
tiendra compte de ces fureurs que vous soulevez, et votre place est deja
marquee dans l'histoire du progres comme un rayon de verite percant les
tenebres. Nos coeurs vous suivent et le mien vous benit.
GEORGE SAND.
DIX
AU MEME
Nohant, 26 fevrier 1862.
Merci pour le numero du _Moniteur_ que vous avez eu la bonte de
m'envoyer. Je ne vous avais lu que tronque dans les autres journaux,
quand je vous ai ecrit hier au soir, et je vois que vous avez encore
mieux parle que je ne croyais. Votre discours est beau autant qu'il
est bon, et, dans votre bouche, ces choses sont grandes et durables en
retentissement. Vous ouvrez une grande tranchee.
_La pensee du regne_, comme on disait sous Louis-Philippe, vous y
suivra-t-elle? que de reserve timide et un peu lache, que de pueril
moderantisme dans le talent _parleur_ des orateurs du gouvernement!
L'empereur se fait admirer par sa prudence; mais peut-etre croit-il
necessaire d'en avoir plus qu'il ne faut, et je vois avec une profonde
inquietude le developpement effroyable de l'esprit clerical. Il ne sait
pas, il ne peut pas savoir a quel point le pretre s'est glisse partout
et quelle hypocrisie s'est glissee aussi dans toutes les classes de
cette societe enveloppee dans le reseau de la propagande papiste. Il ne
sent donc pas que cette faction ardente et tenace sape le terrain sous
lui, et que le peuple ne sait plus ce qu'il doit defendre et vouloir,
quand il entend son cure dire tout haut et precher presque dans chaque
village que l'Eglise est la seule puissance temporelle du siecle? Ne
serait-il pas temps de montrer qu'on peut braver le pretre et ne pas
perdre la partie? Croyez ce que je vous dis, le peuple est convaincu en
ce moment que l'empereur est le plus faible et qu'il n'ose rien contre
les hommes du passe. Or vous savez la triste defaillance des masses,
quand elles croient voir defaillir le pouvoir quel qu'il soit.
L'empereur a craint le socialisme, soit; a son point de vue, il devait
le craindre; mais, en le frappant trop fort et trop vite, il a eleve,
sur les ruines de ce parti, un parti bien autrement habile et bien
autrement redoutable, un parti _uni_ par l'esprit de caste et l'esprit
de corps, les _nobles_ et les _pretres_; et malheureusement je ne vois
plus de contrepoids dans la bourgeoisie.
Avec tous ses travers, la bourgeoisie avait so
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