on en
partant sur-le-champ.
Le roi se detourna pour sourire; puis, apres quelques secondes, il
ramena son oeil limpide sur cette physionomie si intelligente, si
hardie et si ferme, qu'on eut dit le profil energique et fier de
l'aigle en face du soleil.
-- C'est bien, dit-il apres un court silence, pendant lequel il
essaya, mais en vain, de faire baisser les yeux a son officier.
Mais voyant que le roi ne disait plus rien, celui-ci pirouetta sur
ses talons et fit trois pas pour s'en aller en murmurant: "Il ne
parlera pas, mordioux! il ne parlera pas!"
-- Merci, monsieur, dit alors le roi.
"En verite, poursuivit le lieutenant, il n'eut plus manque que
cela, etre blame pour avoir ete moins sot qu'un autre."
Et il gagna la porte en faisant sonner militairement ses eperons.
Mais arrive sur le seuil, et sentant que le desir du roi
l'attirait en arriere, il se retourna.
-- Votre Majeste m'a tout dit? demanda-t-il d'un ton que rien ne
saurait rendre et qui, sans paraitre provoquer la confiance
royale, contenait tant de persuasive franchise, que le roi
repliqua sur-le-champ:
-- Si fait, monsieur, approchez.
"Allons donc! murmura l'officier, il y vient enfin!"
-- Ecoutez-moi.
-- Je ne perds pas une parole, Sire.
-- Vous monterez a cheval, monsieur, demain, vers quatre heures du
matin, et vous me ferez seller un cheval pour moi.
-- Des ecuries de Votre Majeste?
-- Non, d'un de vos mousquetaires.
-- Tres bien, Sire. Est-ce tout?
-- Et vous m'accompagnerez.
-- Seul?
-- Seul.
-- Viendrai-je querir Votre Majeste, ou l'attendrai-je?
-- Vous m'attendrez.
-- Ou cela, Sire?
-- A la petite porte du parc.
Le lieutenant s'inclina, comprenant que le roi lui avait dit tout
ce qu'il avait a lui dire.
En effet, le roi le congedia par un geste tout aimable de sa main.
L'officier sortit de la chambre du roi et revint se placer
philosophiquement sur sa chaise, ou, bien loin de s'endormir,
comme on aurait pu le croire, vu l'heure avancee de la nuit, il se
mit a reflechir plus profondement qu'il n'avait jamais fait.
Le resultat de ces reflexions ne fut point aussi triste que
l'avaient ete les reflexions precedentes.
"Allons, il a commence, dit-il; l'amour le pousse, il marche, il
marche! Le roi est nul chez lui, mais l'homme vaudra peut-etre
quelque chose. D'ailleurs, nous verrons bien demain matin... Oh!
oh! s'ecria-t-il tout a coup en se redressant, voila une idee
gigantesque, mordio
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