Je regardais a terre
pendant l'entracte: c'est pourquoi je distinguai le cheval, sans quoi
je n'aurais surement vu que la cavaliere. Elle etait vetue d'une robe
d'or. Si les lampes avaient donne moins de fumee et plus de clarte, il
est probable que cette robe fripee ne m'eut point communique une telle
vision de luxe. Les bras etaient nus et les cheveux denoues. Seule de
tous ces artistes basanes, elle etait blonde, comme toutes les
heroines de mes ballades. Ce que nulle femme ne m'avait donne encore,
et pas meme celle que j'avais rencontree avec grand-pere et que je
surnommais la dame du pavillon en attendant de l'appeler Helene, cette
jeune fille me le donna rien qu'en s'elancant: non plus le sens de la
beaute auquel j'etais deja parvenu, mais la peur d'approcher d'elle et
de ne la point tenir. Pourtant j'ai beau chercher ses traits dans ma
memoire, je ne les retrouve pas. Je devais la rencontrer souvent, et
je me demande a present si je l'ai jamais regardee, si jamais j'ai ose
la regarder vraiment. Je lui attribue des yeux dores, un teint dore
comme a une vierge de vitrail que le soleil traverse. Quel age avait-
elle? Seize ou dix-sept ans, pas davantage, et peut-etre pas meme
autant. Les fruits de son pays n'ont pas besoin de beaucoup de mois
pour murir. Elle paraissait plus grande qu'elle n'etait a cause de sa
sveltesse. On ne pouvait la dire maigre sans lui faire injure: mince,
oui, mais d'une minceur pleine et musclee, et je m'etonnais des
rondeurs naissantes de son torse. Elle sautait dans les cerceaux qu'on
lui tendait et a chaque saut je craignais que le cheval ne se derobat
ou qu'elle ne manquait la large selle. De trembler pour elle j'etais
content. Rassure sur son adresse, je suivis le mouvement de ses
cheveux qui, chaque fois qu'elle bondissait, se soulevaient et
retombaient en cadence sur ses epaules. Si quelques-uns s'echappaient
par devant, elle les rejetait d'un geste irrite. Par la gravite de son
visage elle attestait qu'elle appartenait a son travail. Parfois elle
entr'ouvrait les levres et poussait de petits hop, hop, destines a
exciter sa monture qui tournait en rond sans conviction. Quand, pour
se reposer, elle s'asseyait en amazone, les jambes pendantes, elle
inclinait la tete sous les applaudissements avec indifference. Sa
respiration plus breve relevait et abaissait alors tout a tour la
poitrine libre dans la robe qui la moulait. Sa gravite, son
indifference achevaient son isolement. Les jeunes f
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