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sommaire. Il faut que, desormais, a tort ou a raison, nul ne puisse plus
arguer du motif d'ignorance. Il faut que ce motif ne puisse plus etre
apporte pour excuse par ces hommes qui, engages dans de coupables
speculations, ou interesses a proteger les speculations des autres et a
servir leurs criminels projets, n'ont pas honte de se livrer a un commerce
affreux qui deshonore le pays qui le tolere. S'ils continuent a se rendre
criminels, ce sera, du moins, avec connaissance de cause, et l'histoire
consignera leurs crimes dans ses pages inexorables.
Sans doute, c'est un avantage pour la Grande-Bretagne, que, parmi tous
ceux de ses habitans qui ont pu entendre parler de la Traite, il n'en est
pas un qui ignore la veritable nature de ce barbare commerce. Tous les
subterfuges, tous les palliatifs, tous les mensonges tenebreux sous
lesquels on avait voulu voiler ou defigurer les faits, ont ete dissipes,
et aujourd'hui ces faits sont etablis d'une maniere indeniable.
Mais, avant meme que d'irrecusables temoignages fussent venus les appuyer
de tout le poids de la plus complete evidence, il n'y avait, parmi nous,
aucun esprit de bonne foi qui doutat de la verite de ces faits. Il n'etait
pas necessaire de depositions legales, pour prouver les effets naturels et
inevitables d'un commerce de chair humaine, particulierement dans un pays,
comme l'Afrique, divise en un grand nombre de petites souverainetes, et
plonge encore dans les tenebres de l'ignorance et de la barbarie.
Supposons qu'il existe un pays ou des hommes, des femmes et des enfans
sont echanges, non seulement contre les choses necessaires a la vie, ou
contre des objets de peu de valeur, mais encore contre des liqueurs
spiritueuses, contre de la poudre et des armes a feu; tenez pour certain
que ce pays doit etre en proie a toute espece de crimes, de pillages, de
fraudes et de violence. Le chef d'une peuplade attaquera et ravagera le
territoire du chef voisin. S'il se trouve trop faible pour attaquer ses
voisins, sa fureur et son avidite retomberont sur les sujets places sous
sa garde et a l'abri de sa protection. Mais ces effets homicides et
destructeurs ne se borneront point aux chefs: on verra se reproduire dans
chaque individu les passions, les desirs coupables et la mechancete de la
nature humaine. Le resultat est inevitable et facile a deviner. La
mefiance partout; la securite nulle part; l'homme redoute un ennemi dans
l'homme; le plus fort devore le plus faible,
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