cette
foule d'exiles que le retour de la paix ramenait dans leur patrie,
les sentimens religieux devaient prevaloir; et nous avions l'intime
conviction qu'il n'existait pas un homme religieux et vertueux qui ne fut
favorable a notre cause. Cette cause, en effet, etait celle de tout homme
qui n'a pas brise entierement les liens moraux et intellectuels qui
l'attachent au Souverain Etre, et qui n'a pas abjure le dogme d'un Dieu
remunerateur. Nous avions encore d'autres motifs d'esperance. Quelque fut
notre attachement a la religion sous l'empire de laquelle nous vivons,
nous ne pouvions oublier que l'un des plus beaux titres de la religion
Catholique, etait d'avoir mis fin a l'esclavage en Europe, et d'avoir fait
cesser ces guerres meurtrieres que se faisaient, dans le moyen age, les
seigneurs et les chefs d'une meme nation. Il est vrai encore que la nature
et les effets de la Traite etaient bien moins connus en France qu'en
Angleterre; mais l'appat de ce commerce coupable y etait aussi,
proportionnellement, beaucoup moindre. En effet, la France ne voyait pas
ses capitaux, ses navires et les articles de ses manufactures employes a
ce commerce: elle n'avait donc aucune des excuses dont l'interet ne manque
pas de se couvrir pour justifier ses crimes. Le gouvernement nouvellement
retabli ne devait pas ignorer, d'ailleurs, qu'a l'exception de deux ou
trois ports, l'abolition de la Traite ne pouvait rencontrer aucun obstacle
dans la masse de la population francaise. Une circonstance importante
venait de nous mettre a meme de juger pleinement des dispositions de la
nation francaise a cet egard. Quelqu'opinion qu'on se forme de Bonaparte,
il est un point que doivent lui accorder unanimement et ses amis et ses
ennemis; c'est la connaissance de l'esprit public de la nation francaise.
Or, on sait qu'a son retour de l'ile d'Elbe, dans un moment ou l'interet
de sa politique lui commandait, plus que jamais, de se concilier l'opinion
du peuple francais, l'un des premiers actes de son pouvoir fut l'abolition
totale et definitive de la Traite des Noirs.
Cependant, comme si l'ennemi du genre humain avait interpose ici sa fatale
influence, nous avons vu refouler tout a coup des esperances fondees sur
de si justes titres.
Votre Majeste se rappelle avec douleur qu'a l'epoque ou l'Afrique vous vit
pour la premiere fois accourir a la defense de ses enfans opprimes, les
ministres du Roi de France, tout en reconnaissant la cruaute et la
crimin
|