peine a croire qu'en 1819, le Rodeur fit
voile de l'un des ports les plus populeux et les plus commerciaux de
France; apres avoir execute son coupable voyage, en debarqua les fruits
criminels dans la plus considerable des colonies francaises; de la revint
en France avec les miserables debris de son coupable equipage, et rejeta
sur le territoire francais ces scelerats portant en tous lieux avec eux
les marques de la justice divine, de maniere a etre partout reconnus. Et
c'est en 1819 que tout cela s'est fait a la face du monde!
c'est-a-dire douze ans apres que l'Angleterre avait aboli ce criminel
commerce, huit ans apres qu'elle l'avait declare crime de felonie et puni
de la peine de la deportation, quatre ans apres que la France elle-meme,
d'abord par un traite solennel, ensuite par une loi, le tout confirme par
une lettre ecrite de la propre main de son souverain, avait decrete son
abolition immediate et definitive!...
Le fait est si etonnant par lui-meme, que Votre Majeste aura peine a y
ajouter foi. Cependant, je pourrais mettre sous les yeux de Votre Majeste
des exemples de cruaute d'une nature encore plus atroce, et c'est dans la
Traite francaise que je les puiserais. Mais a quoi serviraient de nouveaux
details a cet egard? Il est une verite dont conviendront sans peine tous
ceux qui ont considere attentivement ce vaste sujet, c'est que toutes les
cruautes, quelqu'horribles qu'elles soient, que peut enfanter la Traite,
ne sont rien en comparaison des maux que les devastations de cette Traite
abominable produisent en Afrique meme; et l'on doit placer, en premiere
ligne, cette insurmontable barriere d'anarchie et d'ignorance, par
laquelle la Traite intercepte tous les rayons de la religion et de la
morale, et les empeche de penetrer dans l'interieur de ce malheureux
continent par le seul canal possible, les communications avec les nations
civilisees.
Il est impossible de croire qu'un commerce qui abonde en indignites de
l'espece de celles que nous venons de decrire, fut souffert plus
long-temps en France, si l'attention publique etait convenablement
provoquee sur cet objet. Loin de nous l'idee que des gains sordides et des
benefices pecuniaires, aient pu paraitre a une froide politique, compenser
suffisamment tant de cruautes et de crimes! Sans doute, de telles idees
n'ont pu entrer dans la pensee de ministres eclaires, et surtout de
ministres francais.
Parmi les accusations dont la France a souvent ete l'objet,
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