semble, en effet, que le genie du crime ait epuise
son epouvantable science, pour trouver les moyens d'entasser le plus
d'hommes possibles, dans l'espace le plus resserre.
Figurez-vous un navire rempli, dans toute son etendue, de malheureux
Africains qui montent dans un navire pour la premiere fois; les hommes, et
ce sont eux qui composent la majeure partie de la cargaison, attaches deux
a deux, les fers aux pieds, pour la surete de l'equipage; ces deux hommes,
frequemment differant de nation et de langage; et, pour surcroit de
precaution, des chaines ajoutees aux fers de ces infortunes, lorsqu'on les
amene, un moment, respirer sur le pont; qu'on se represente le pont du
navire, la cale, et les etages intermediaires pratiques en plate-formes,
completement couverts de corps humains; ces malheureux, se touchant l'un
l'autre, incapables de changer de position, ni de faire le moindre
mouvement, les membres dechires par le frottement des planches du navire,
ou ecorches par la pression de leurs fers!... Qu'on se figure avec quelle
effrayante rapidite les epidemies doivent se repandre parmi tant de
victimes entassees.... Je m'arrete!... qu'il me suffise d'ajouter que les
horreurs dont les navires negriers offrent le tableau sont telles, que la
plume repugne a les decrire, bien que l'avidite negriere ne repugne pas a
les infliger a ses malheureuses victimes. Les chirurgiens de navire qui
ont ete temoins oculaires de ces scenes affreuses, assurent tous qu'il est
impossible de supporter la chaleur et l'infection qui s'exhalent de ces
prisons fetides. Quand le mauvais temps oblige de fermer les ecoutilles et
de renfermer les Noirs a fond de cale, il n'est pas rare d'en voir expirer
de suffocation. Au contraire, le temps permet-il de les faire monter sur
le pont? De nouveaux supplices les attendent: c'est un faible soulagement
ou la cruaute meme ne manque pas d'entrer. Le mal de mer, les peines de
l'esprit, en voila plus qu'il ne faut pour empecher de prendre de la
nourriture et de l'exercice: mais l'exercice et la nourriture sont
indispensables a l'animal, si l'on veut qu'il paraisse en bon etat aux
regards des acheteurs. Et qu'est-ce autre chose qu'un Noir aux yeux d'un
negrier, si non une bete de somme dont il veut se defaire avec benefice?
Ils n'ont pas faim; ils mangeront de force. Il leur faut de l'exercice;
ils ne sont pas disposes a en prendre; ils en prendront malgre eux: on
fera danser ces infortunes avec le poids de leurs
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