ouloir que sa conduite offre un contraste si frappant
avec la notre? Quoi! tandis que nous reveillons par des soins paternels
les facultes assoupies des malheureux Africains, emploiera-t-elle toutes
les ressources de sa puissance a les corrompre, a les degrader, a les
detruire? Non, sans doute, si de pareilles horreurs peuvent encore se
commettre, c'est qu'on les cache aux regards du public; et je ne saurais
croire que ni le gouvernement ni le peuple francais consentissent a
tolerer de tels actes d'iniquite, s'ils en connaissaient la nature et
l'etendue. Qu'ils se mettent pour un moment a la place des habitans de
l'Afrique! Qu'ils supposent que les Algeriens debarquent sur les cotes du
Languedoc et viennent s'y livrer a un brigandage, moins cruel pourtant que
celui des negriers. Qu'ils supposent que ces pirates incendient les
Villages pendant la nuit, enlevent les paysans tandis qu'ils s'efforcent
d'echapper a la mort, et vont les vendre dans une contree lointaine pour y
subir eux et leur posterite un esclavage eternel. Quel soulevement
n'exciterait pas le simple recit de ces atrocites? On les signalerait
comme le comble de l'horreur et de la barbarie; il semblerait monstrueux
que l'Europe ne se levat pas en masse pour en chatier les auteurs. Eh
bien! ce brigandage, quelque juste indignation qu'il dut exciter, reste en
deca de la cruaute systematique, de la froide barbarie qui caracterise la
Traite des Negres. La morale et l'humanite sont-elles donc circonscrites
par des limites geographiques, et une nation qui pretend a l'honneur de
surpasser toutes les autres dans les rafinemens de la civilisation, se
livrera-t-elle sans obstacles aux plus indignes pratiques?
Mais il est de fait, ainsi que je l'ai remarque precedemment, que les
horreurs de la Traite trouvent un appui dans leur etendue meme. Nous nous
habituons a la considerer comme un etre abstrait, et nous oublions
qu'entre les 80 a 100 mille victimes de ce trafic, chacune a subi quelque
violence individuelle, endure quelque malheur qui lui est propre, supporte
peut-etre une plus grande intensite de souffrances que ne saurait en
produire aucun des autres fleaux qui affligent l'humanite. L'on peut a
peine supposer que la Traite des Noirs fut toleree dans un seul des pays
qui prennent le nom de chretiens, si elle etait connue pour ce qu'elle est
incontestablement en realite.
J'ai cherche a me rendre compte des ruses et des sophismes qui ont pu
valoir a ce trafic l'es
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