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officiel, comme si l'ironique fortune avait voulu donner au representant
a l'essai un avant-gout de toutes les joies parlementaires. Les amis
du defunt, qui suivaient, formaient un groupe assez restreint,
singulierement bien choisi pour mettre a nu le superficiel et le vide de
cette existence de grand personnage reduite a l'intimite d'un directeur
de theatre trois fois failli, d'un marchand de tableaux enrichi par
l'usure, d'un gentilhomme tare et de quelques viveurs et boulevardiers
sans renom. Jusque-la tout le monde allait a pied et tete nue; a peine
dans le bureau parlementaire quelques calottes de soie noire qu'on
avait mises timidement en approchant des quartiers populeux. Apres,
commencaient les voitures.
A la mort d'un grand homme de guerre, il est d'usage de faire suivre le
convoi par le cheval favori du heros, son cheval de bataille, oblige de
regler au pas ralenti du cortege cette allure fringante qui degage des
odeurs de poudre et des flamboiements d'etendards. Ici le grand coupe
de Mora, ce "huit-ressorts" qui le portait aux assemblees mondaines ou
politiques, tenait la place de ce compagnon des victoires, ses panneaux
tendus de noir, ses lanternes enveloppees de longs crepes legers
flottant jusqu'a terre avec je ne sais quelle grace feminine ondulante.
C'etait une nouvelle mode funeraire, ces lanternes voilees, le supreme
"chic" du deuil; et il seyait bien a ce dandy de donner une derniere
lecon d'elegance aux Parisiens accourus a ses obseques comme a un
Longchamps de la mort.
Encore trois maitres de ceremonie, puis venait l'impassible pompe
officielle, toujours la meme pour les mariages, les deces, les
baptemes, l'ouverture des Parlements ou les receptions de souverains,
l'interminable cortege des carrosses de gala, etincelants, larges
glaces, livrees voyantes chamarrees de dorures, qui passaient au
milieu du peuple ebloui auquel ils rappelaient les contes de fees, les
attelages de Cendrillon, en soulevant de ces "Oh!" d'admiration
qui montent et s'epanouissent avec les fusees, les soirs des feux
d'artifice. Et dans la foule il se trouvait toujours un sergent de
ville complaisant, un petit bourgeois erudit et flaneur, a l'affut
des ceremonies publiques, pour nommer a haute voix tous les gens des
voitures a mesure qu'elles defilaient avec leurs escortes reglementaires
de dragons, cuirassiers ou gardes de Paris.
D'abord les representants de l'empereur, de l'imperatrice, de toute la
famille imperi
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