impartial et loyal, tel que votre conscience
a du vous le dicter. Seulement il a couru sur mon compte d'ecoeurantes
calomnies auxquelles je n'ai pas repondu et qui ont peut-etre influence
l'opinion du bureau. C'est a ce sujet que je veux vous parler. Je sais
la confiance dont vos collegues vous honorent, M. Le Merquier, et que,
lorsque je vous aurai convaincu, votre parole suffira sans que
j'aie besoin d'etaler ma tristesse devant tous... Vous connaissez
l'accusation. Je parle de la plus terrible, de la plus ignoble. Il y en
a tant qu'on pourrait s'y tromper... Mes ennemis ont donne des noms,
des dates, des adresses... Eh bien! je vous apporte les preuves de mon
innocence. Je les decouvre devant vous, devant vous seul; car j'ai de
graves raisons pour tenir toute cette affaire secrete."
Il montra alors a l'avocat une attestation du consulat de Tunis, que
pendant vingt ans il n'avait quitte la principaute que deux fois, la
premiere pour aller retrouver son pere mourant au Bourg-Saint-Andeol, la
seconde pour faire avec le bey une visite de trois jours a son chateau
de Saint-Romans.
"Comment se fait-il qu'avec un document aussi positif entre les mains je
n'aie pas cite mes insulteurs devant les tribunaux pour les dementir
et les confondre?... Helas! Monsieur, il y a dans les familles des
solidarites cruelles... J'ai eu un frere, un pauvre etre, faible et
gate, qui a roule longtemps dans la boue de Paris, y a laisse son
intelligence et son honneur... Est-il descendu a ce degre d'abjection ou
l'on m'a mis en son nom?... Je n'ai pas ose m'en convaincre... Ce que
j'affirme, c'est que mon pauvre pere, qui en savait plus que personne a
la maison la-dessus, m'a dit tout bas en mourant: "Bernard, c'est l'aine
qui me tue... Je meurs de honte, mon enfant."
Il fit une pause necessaire a son emotion suffoquee, puis:
"Mon pere est mort, Me Le Merquier, mais ma mere vit toujours, et c'est
pour elle, pour son repos, que j'ai recule, que je recule encore devant
le retentissement de ma justification. En somme, jusqu'a present, les
souillures qui m'ont atteint n'ont pu rejaillir jusqu'a elle. Cela ne
sort pas d'un certain monde, d'une presse speciale, dont la bonne femme
est a mille lieues... Mais les tribunaux, un proces, c'est notre malheur
promene d'un bout de la France a l'autre, les articles du _Messager_
reproduits par tous les journaux, meme ceux du petit pays qu'habite ma
mere. La calomnie, ma defense, ses deux enfants couvert
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