gringolent les
allees au galop, montrent des alignements de cochers noirs, le dos
arrondi, le chapeau en bataille, le carrick flottant au vent de la
course.
L'impression generale, c'est le debarras d'une longue et fatigante
figuration, un empressement legitime a aller quitter le harnais
administratif, les costumes de ceremonie, a deboucler les ceinturons,
les hausse-cols et les rabats, a detendre les physionomies qui, elles
aussi, portaient des entraves.
Lourd et court, trainant peniblement ses jambes enflees, Hemerlingue
se depechait vers la sortie, resistant aux offres qu'on lui faisait de
monter dans les voitures, sachant bien que la sienne seule etait a la
mesure de son elephantiasis.
"Baron, baron, par ici... Il y a une place pour vous.
--Non, merci. Je marche pour me degourdir."
Et, afin d'eviter ces propositions qui a la longue le genaient, il prit
une allee transversale presque deserte, trop deserte meme, car a peine
y fut-il engage que le baron le regretta. Depuis son entree dans le
cimetiere, il n'avait qu'une preoccupation, la peur de se trouver face
a face avec Jansoulet dont il connaissait la violence, et qui pourrait
bien oublier la majeste du lieu, renouveler en plein Pere-Lachaise le
scandale de la rue Royale. Deux ou trois fois pendant la ceremonie, il
avait vu la grosse tete de l'ancien copain emerger de cette quantite de
types incolores dont l'assistance etait pleine et se diriger vers lui,
le chercher avec le desir d'une rencontre. Encore la-bas, dans la grande
allee, on aurait eu du monde en cas de malheur, tandis qu'ici... Brr...
C'est cette inquietude qui lui faisait forcer son pas court; son haleine
soufflante; mais en vain. Comme il se retournait dans sa peur d'etre
suivi, les hautes et robustes epaules du Nabab apparurent a l'entree de
l'allee. Impossible au poussah de se faufiler dans l'etroit ecart des
tombes si serrees que la place y manque aux agenouillements. Le sol gras
et detrempe glissait, s'enfoncait sous ses pieds. Il prit le parti de
marcher d'un air indifferent, comptant que l'autre ne le reconnaitrait
peut-etre pas. Mais une voix eraillee et puissante cria derriere lui:
"Lazare!"
Il s'appelait Lazare, ce richard. Il ne repondit pas, essaya de
rejoindre un groupe d'officiers qui marchait devant lui, tres loin.
"Lazare! Oh! Lazare!"
Comme autrefois sur le quai de Marseille... Il fut tente de s'arreter
sous le coup d'une ancienne habitude, puis le souvenir de ses i
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