que lugubre. A
present c'etaient des societes chorales, les deputations de l'armee, de
la marine, officiers de toutes armes, se pressant en troupeau devant une
longue file de vehicules vides, voitures de deuil, voitures de maitres
alignees la pour l'etiquette; puis les troupes suivaient a leur tour,
et dans le faubourg sordide, cette longue rue de la Roquette deja
fourmillante a perte de vue, s'engouffrait toute une armee, fantassins,
dragons, lanciers, carabiniers, lourds canons la gueule en l'air, prets
a aboyer, ebranlant les paves et les vitres, mais ne parvenant pas a
couvrir le ronflement des tambours, ronflement sinistre et sauvage
qui rappelait l'imagination de Felicia vers ces funerailles de Negous
africains ou des milliers de victimes immolees accompagnent l'ame d'un
prince pour qu'elle ne s'en aille pas seule au royaume des esprits, et
lui faisait penser que peut-etre cette pompeuse et interminable suite
allait descendre et disparaitre dans la fosse surhumaine assez grande
pour la contenir toute.
"... _Maintenant et a l'heure de notre mort. Ainsi soit-il,_" murmura la
Crenmitz pendant que le fiacre s'ebranlait sur la place eclaircie ou la
Liberte toute en or semblait prendre la-haut dans l'espace une magique
envolee; et cette priere de la vieille danseuse fut peut-etre la seule
note emue et sincere soulevee sur l'immense parcours des funerailles.
* * * * *
Tous les discours sont finis, trois longs discours aussi glacials que le
caveau ou le mort vient de descendre, trois declamations officielles qui
ont surtout fourni aux orateurs l'occasion de faire parler bien haut
leur devouement aux interets de la Dynastie. Quinze fois les canons ont
frappe les echos nombreux du cimetiere, agite les couronnes de jais et
d'immortelles, les ex-votos legers pendus aux angles des entourages, et
tandis qu'une buee rougeatre flotte et roule dans une odeur de poudre
a travers la ville des morts, monte et se mele lentement aux fumees
d'usine du quartier plebeien, l'innombrable assemblee se disperse aussi,
disseminee par les rues en pente, les hauts escaliers tout blancs dans
la verdure, avec un murmure confus, un ruissellement de flots sur
les roches. Robes pourpres, robes noires, habits bleus et verts,
aiguillettes d'or, fines epees qu'on assure de la main en marchant,
se hatent de rejoindre les voitures. On echange de grands saluts, des
sourires discrets, pendant que les carrosses de deuil de
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