toutes epouses de fez
millionnaires et celebres sur les marches de Tunis, renoncant a leurs
preventions, solliciterent d'etre admises chez l'ancienne esclave.
Seule, madame Jansoulet, nouvellement debarquee avec un stock d'idees
orientales encombrantes dans son esprit, comme son narghile, ses oeufs
d'autruche, tout le bibelot tunisien l'etait dans son interieur,
protesta contre ce qu'elle appelait une inconvenance, une lachete,
et declara qu'elle ne mettrait jamais les pieds chez "ca". Il se fit
aussitot chez les dames Guegenheim, Caraiscaki, et autres paquets,
un petit mouvement retrograde, comme il arrive a Paris chaque fois
qu'autour d'une position irreguliere en train de se regulariser quelque
resistance tenace entraine des regrets et des defections. On s'etait
trop avance pour se retirer, mais on tint a faire mieux sentir le prix
de sa bienveillance, le sacrifice de ses prejuges; et la baronne
Marie comprit tres bien la nuance rien que dans le ton protecteur des
Levantines la traitant de "ma chere enfant... ma bonne petite", avec une
hauteur un peu meprisante. Des lors, sa haine contre les Jansoulet ne
connut plus de bornes, une haine de serail compliquee et feroce, avec
l'etranglement au bout et la noyade silencieuse, un peu plus difficile a
pratiquer a Paris que sur les rives du lac d'El-Baheira, mais dont elle
preparait deja le sac solide termine en garrot.
Cet acharnement explique et connu, on se figure quelle surprise, quelle
agitation dans ce coin de societe exotique, quand la nouvelle se
repandit que, non seulement la grosse Afchin--comme l'appelaient ces
dames--consentait a voir la baronne, mais qu'elle devait lui faire la
premiere visite a son prochain samedi. Pensez que ni les Fuernberg, ni
les Trott ne voulurent manquer une pareille fete. La baronne, de son
cote, fit tout pour donner le plus d'eclat possible a cette reparation
solennelle, ecrivit, visita, se remua si bien que, malgre la saison deja
tres avancee, madame Jansoulet, en arrivant vers quatre heures a l'hotel
du faubourg Saint-Honore, aurait pu voir devant la haute porte cintree,
a cote de la discrete livree feuille morte de la princesse de Dions et
de beaucoup de blasons authentiques, les armes parlantes, pretentieuses,
les roues multicolores d'une foule d'equipages financiers et les grands
laquais poudres des Caraiscaki.
En haut, dans les salons de reception, meme assemblage bizarre et
glorieux. C'etait un va-et-vient sur les tapis des d
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