insi; je
reprendrais les forces que m'otent ta bonte et ta douceur accoutumees.
--Eh bien, repondit-elle, je ne te conseille pas de jouer souvent ces
roles-la avec moi: je t'y rendrais des points.
[Illustration 009.png: Ce personnage du temps passe.... (Page 107.)]
Il se pencha vers elle, et, baissant la voix:--Serais-tu capable d'etre
la femelle d'un tigre? lui dit-il.
--Cela est bon pour le theatre, repondit-elle (et il me sembla qu'elle
parlait expres de maniere a ce que je ne perdisse pas sa reponse). Dans
la vie reelle, Celio, je mepriserai un usage si petit, si facile et si
niais de ma force. Pourquoi suis-je si mechante, ici dans ce role? C'est
que rien n'est plus aise que l'affectation. Ne sois donc pas trop vain
de ton succes d'aujourd'hui. La force dans l'excitation, c'est le _pont
aux anes_! La force dans le calme.... Tu y viendras peut-etre, mais tu
n'y es pas encore. Essaie de faire Ottavio, et nous verrons!
--Vous etes une comedienne fort acerbe et fort jalouse de son talent!
dit Celio en se mordant les levres si fort, que sa moustache rousse,
collee a sa levre, tomba sur son rabat de dentelle.
--Tu perds ton poil de tigre, lui dit tranquillement la Boccaferri en
rattrapant la moustache; tu as raison de faire une peau neuve!
--Vous croyez que vous opererez ce miracle?
--Oui, si je veux m'en donner la peine, mais je ne le promets pas.
Je vis qu'ils s'aimaient sans vouloir se l'avouer a eux-memes, et je
regardai Stella, qui etait belle comme un ange en me presentant un
masque pour la scene du bal. Elle avait cet air genereux et brave d'une
personne qui renonce a vous plaire sans renoncer a vous aimer. Un elan
de coeur, plein de vaillance, qui ne me permit pas d'hesiter, me fit
tirer de mon sein le noeud cerise que j'y avais cache, et je le lui
montrai mysterieusement. Tout son courage l'abandonna; elle rougit, et
ses yeux se remplirent de larmes. Je vis que Stella etait une sensitive,
et que je venais de me donner pour jamais ou de faire une lachete. Des
ce moment, je ne regardai plus en arriere, et je m'abandonnai tout
entier au bonheur, bien nouveau pour moi, d'etre chastement et naivement
aime.
Je faisais le role d'Ottavio, et je l'avais fort mal joue jusque-la. Je
pris le bras de ma charmante Anna pour entrer en scene, et je trouvai
du coeur et de l'emotion pour lui dire mon amour et lui peindre mon
devouement.
A la fin de l'acte, je fus comble d'eloges, et Cecilia me dit en me
te
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