nt a celui de don Juan, il demanda que certaines
scenes fussent chantees. Beatrice et son jeune frere demanderent a
improviser un pas de danse dans le bal du troisieme acte. Tout fut
accorde. On se permettait d'essayer de tout; mais, a mesure qu'on
decidait quelque chose, on le consignait sur le manuscrit, afin que
l'ordre de la representation ne fut pas trouble.
Ensuite Celio envoya Stella lui chercher diverses perruques a longs
cheveux. Il voulait assombrir un peu son caractere et sa physionomie.
Il essaya une chevelure noire.--Tu as tort de le faire brun, si tu veux
etre mechant, lui dit Boccaferri (qui reprenait son ancien nom derriere
la _porte d'ivoire_). C'est un usage classique de faire les traitres
noirs et a tous crins, mais c'est un mensonge banal. Les hommes pales de
visage et noirs de barbe sont presque toujours doux et faibles. Le vrai
tigre est fauve et soyeux.
--Va pour la peau du lion, dit Celio en prenant sa perruque de la
veille, mais ces noeuds rouges m'ennuient; cela sent le tyran de
melodrame. Mesdemoiselles, faites-moi une quantite de canons couleur de
feu. C'etait le type du roue au temps de Moliere.
--En ce cas, rends-nous ton noeud cerise, ton _beau noeud d'epee_! dit
Stella.
--Qu'en veux-tu faire?
--Je veux le conserver pour modele, dit-elle en souriant avec malice,
car c'est toi qui l'as fait, et toi seul au monde sais faire les noeuds.
Tu y mets le temps, mais quelle perfection! N'est-ce pas? ajouta-t-elle
en s'adressant a moi et en me montrant ce meme noeud cerise que j'avais
ramasse la veille, comment le trouvez-vous?
Le ton dont elle me fit cette question et la maniere dont elle agita
ce ruban devant mon visage me troublaient un peu. Il me sembla qu'elle
desirait me voir m'en emparer, et je fus assez vertueux pour ne pas le
faire. La Boccaferri me regardait. Je vis rougir la belle Stella; elle
laissa tomber le noeud et marcha dessus, comme par megarde, tout en
feignant de rire d'autre chose.
Celio etait brusque et imperieux avec ses soeurs, quoiqu'il les adorat
au fond de l'ame, et qu'il eut pour elles mille tendres sollicitudes. Il
avait vu aussi ce singulier petit episode.--Allons donc, paresseuses!
cria-t-il a Stella et a Beatrice, allez me chercher trente aunes de
rubans couleur de feu! J'attends!--Et quand elles furent entrees dans le
magasin, il ramassa le noeud cerise, et me la donna a la derobee, en
me disant tout bas:--Garde-le en memoire de Beatrice; mais si l'une
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