expire sur l'echafaud, s'il lui reste des traitres d'une autre espece, pour
venir a bout de ses projets? Vous n'avez donc rien fait s'il vous reste une
faction a detruire, et la convention est resolue a les immoler toutes
jusqu'a la derniere."
Ainsi le comite avait senti la necessite de se laver du reproche de
moderation par un nouveau sacrifice. Robespierre avait defendu Danton,
quand une faction audacieuse venait ainsi frapper a ses cotes un des
patriotes les plus renommes. Alors la politique, un danger commun, tout
l'engageait a defendre son vieux collegue; mais aujourd'hui cette faction
hardie n'etait plus. En defendant plus long-temps ce collegue depopularise,
il se compromettait lui-meme. D'ailleurs, la conduite de Danton devait
reveiller bien des reflexions dans son ame jalouse. Que faisait Danton loin
du comite? Entoure de Philippeau, de Camille Desmoulins, il semblait
l'instigateur et le chef de cette nouvelle opposition qui poursuivait le
gouvernement de censures et de railleries ameres. Depuis quelque temps,
assis vis-a-vis de cette tribune ou venaient figurer les membres du comite,
Danton avait quelque chose de menacant et de meprisant a la fois. Son
attitude, ses propos repetes de bouche en bouche, ses liaisons, tout
prouvait qu'apres s'etre isole du gouvernement, il s'en etait fait le
censeur, et qu'il se tenait en dehors, comme pour lui faire obstacle avec
sa vaste renommee. Ce n'est pas tout: quoique depopularise, Danton avait
neanmoins une reputation d'audace et de genie politique extraordinaire.
Danton immole, il ne restait plus un grand nom hors du comite; et, dans le
comite, il n'y avait plus que des reputations secondaires, Saint-Just,
Couthon, Collot-d'Herbois. En consentant a ce sacrifice, Robespierre du
meme coup detruisait un rival, rendait au gouvernement sa reputation
d'energie, et augmentait surtout son renom de vertu en frappant un homme
accuse d'avoir recherche l'argent et les plaisirs. Il etait en outre engage
a ce sacrifice par tous ses collegues, encore plus jaloux de Danton qu'il
ne l'etait lui-meme. Couthon et Collot-d'Herbois n'ignoraient pas qu'ils
etaient meprises par ce celebre tribun. Billaud, froid, bas et
sanguinaire, trouvait chez lui quelque chose de grand et d'ecrasant.
Saint-Just, dogmatique, austere et orgueilleux, etait antipathique avec un
revolutionnaire agissant, genereux et facile, et il voyait que, Danton
mort, il devenait le second personnage de la republique. Tous en
|