te confite en gracieusetes, complimentait
le prince Henri de Conde sur son recent mariage avec Marie de
Cleves; enfin MM. de Guise eux-memes souriaient aux formidables
ennemis de leur maison, et le duc de Mayenne discourait avec
M. de Tavannes et l'amiral sur la prochaine guerre qu'il etait
plus que jamais question de declarer a Philippe II.
Au milieu de ces groupes allait et venait, la tete legerement
inclinee et l'oreille ouverte a tous les propos, un jeune homme de
dix-neuf ans, a l'oeil fin, aux cheveux noirs coupes tres court,
aux sourcils epais, au nez recourbe comme un bec d'aigle, au
sourire narquois, a la moustache et a la barbe naissantes. Ce
jeune homme, qui ne s'etait fait remarquer encore qu'au combat
d'Arnay-le-Duc ou il avait bravement paye de sa personne, et qui
recevait compliments sur compliments, etait l'eleve bien-aime de
Coligny et le heros du jour; trois mois auparavant, c'est-a-dire a
l'epoque ou sa mere vivait encore, on l'avait appele le prince de
Bearn; on l'appelait maintenant le roi de Navarre, en attendant
qu'on l'appelat Henri IV.
De temps en temps un nuage sombre et rapide passait sur son front;
sans doute il se rappelait qu'il y avait deux mois a peine que sa
mere etait morte, et moins que personne il doutait qu'elle ne fut
morte empoisonnee. Mais le nuage etait passager et disparaissait
comme une ombre flottante; car ceux qui lui parlaient, ceux qui le
felicitaient, ceux qui le coudoyaient, etaient ceux-la memes qui
avaient assassine la courageuse Jeanne d'Albret.
A quelques pas du roi de Navarre, presque aussi pensif, presque
aussi soucieux que le premier affectait d'etre joyeux et ouvert,
le jeune duc de Guise causait avec Teligny. Plus heureux que le
Bearnais, a vingt-deux ans sa renommee avait presque atteint celle
de son pere, le grand Francois de Guise. C'etait un elegant
seigneur, de haute taille, au regard fier et orgueilleux, et doue
de cette majeste naturelle qui faisait dire, quand il passait, que
pres de lui les autres princes paraissaient peuple. Tout jeune
qu'il etait, les catholiques voyaient en lui le chef de leur
parti, comme les huguenots voyaient le leur dans ce jeune Henri de
Navarre dont nous venons de tracer le portrait. Il avait d'abord
porte le titre de prince de Joinville, et avait fait, au siege
d'Orleans, ses premieres armes sous son pere, qui etait mort dans
ses bras en lui designant l'amiral Coligny pour son assassin.
Alors le jeune duc, comme Annibal
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