ssaiera?
-- Moi. Le roi est-il seul?
-- Non! Il est avec M. de Tavannes.
-- Attendez-moi ici. Ou plutot suivez-moi de loin. Catherine se
leva aussitot et prit le chemin de la chambre ou se tenaient, sur
des tapis de Turquie et des coussins de velours, les levriers
favoris du roi. Sur des perchoirs scelles dans la muraille etaient
deux ou trois faucons de choix et une petite pie-grieche avec
laquelle Charles IX s'amusait a voler les petits oiseaux dans le
jardin du Louvre et dans ceux des Tuileries, qu'on commencait a
batir. Pendant le chemin la reine mere s'etait arrange un visage
pale et plein d'angoisse, sur lequel roulait une derniere ou
plutot une premiere larme.
Elle s'approcha sans bruit de Charles IX, qui donnait a ses chiens
des fragments de gateaux coupes en portions pareilles.
-- Mon fils! dit Catherine avec un tremblement de voix si bien
joue qu'il fit tressaillir le roi.
-- Qu'avez-vous, madame? dit le roi en se retournant vivement.
-- J'ai, mon fils, repondit Catherine, que je vous demande la
permission de me retirer dans un de vos chateaux, peu m'importe
lequel, pourvu qu'il soit bien eloigne de Paris.
-- Et pourquoi cela, madame? demanda Charles IX en fixant sur sa
mere son oeil vitreux qui, dans certaines occasions, devenait si
penetrant.
-- Parce que chaque jour je recois de nouveaux outrages de ceux de
la religion, parce qu'aujourd'hui je vous ai entendu menacer par
les protestants jusque dans votre Louvre, et que je ne veux plus
assister a de pareils spectacles.
-- Mais enfin, ma mere, dit Charles IX avec une expression pleine
de conviction, on leur a voulu tuer leur amiral. Un infame
meurtrier leur avait deja assassine le brave M. de Mouy, a ces
pauvres gens. Mort de ma vie, ma mere! il faut pourtant une
justice dans un royaume.
-- Oh! soyez tranquille, mon fils, dit Catherine, la justice ne
leur manquera point, car si vous la leur refusez, ils se la feront
a leur maniere: sur M. de Guise aujourd'hui, sur moi demain, sur
vous plus tard.
-- Oh! madame, dit Charles IX laissant percer dans sa voix un
premier accent de doute, vous croyez?
-- Eh! mon fils, reprit Catherine, s'abandonnant tout entiere a la
violence de ses pensees, ne savez-vous pas qu'il ne s'agit plus de
la mort de M. Francois de Guise ou de celle de M. l'amiral, de la
religion protestante ou de la religion catholique, mais tout
simplement de la substitution du fils d'Antoine de Bourbon au fils
de Henri II
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