ours perdu. Il n'y a que toi,
mon pere, qui sois a la fois brave comme Julius Cesar, et sage
comme Plato. Aussi, je ne sais ce que je dois faire, en verite: te
garder comme conseiller ici, ou t'envoyer la-bas comme general. Si
tu me conseilles, qui commandera? Si tu commandes, qui me
conseillera?
-- Sire, dit Coligny, il faut vaincre d'abord, puis le conseil
viendra apres la victoire.
-- C'est ton avis, mon pere? eh bien, soit. Il sera fait selon ton
avis. Lundi tu partiras pour les Flandres, et moi, pour Amboise.
-- Votre Majeste quitte Paris?
-- Oui. Je suis fatigue de tout ce bruit et de toutes ces fetes.
Je ne suis pas un homme d'action, moi, je suis un reveur. Je
n'etais pas ne pour etre roi, j'etais ne pour etre poete. Tu feras
une espece de conseil qui gouvernera tant que tu seras a la
guerre; et pourvu que ma mere n'en soit pas, tout ira bien. Moi,
j'ai deja prevenu Ronsard de venir me rejoindre; et la, tous les
deux loin du bruit, loin du monde, loin des mechants, sous nos
grands bois, aux bords de la riviere, au murmure des ruisseaux,
nous parlerons des choses de Dieu, seule compensation qu'il y ait
en ce monde aux choses des hommes. Tiens, ecoute ces vers, par
lesquels je l'invite a me rejoindre; je les ai faits ce matin.
Coligny sourit. Charles IX passa sa main sur son front jaune et
poli comme de l'ivoire, et dit avec une espece de chant cadence
les vers suivants:
_Ronsard, je connais bien que si tu ne me vois_
_Tu oublies soudain de ton grand roi la voix,_
_Mais, pour ton souvenir, pense que je n'oublie_
_Continuer toujours d'apprendre en poesie,_
_Et pour ce j'ai voulu t'envoyer cet ecrit,_
_Pour enthousiasmer ton fantastique esprit._
_Donc ne t'amuse plus aux soins de ton menage,_
_Maintenant n'est plus temps de faire jardinage;_
_Il faut suivre ton roi, qui t'aime par sus tous,_
_Pour les vers qui de toi coulent braves et doux,_
_Et crois, si tu ne viens me trouver a Amboise,_
_Qu'entre nous adviendra une bien grande noise._
_-- _Bravo! Sire, bravo! dit Coligny; je me connais mieux en
choses de guerre qu'en choses de poesie, mais il me semble que ces
vers valent les plus beaux que fassent Ronsard, Dorat et meme
Michel de l'Hospital, chancelier de France.
-- Ah! mon pere! s'ecria Charles IX, que ne dis-tu vrai! car le
titre de poete, vois-tu, est celui que j'ambitionne avant toutes
choses; et, comme je le disais il y a quelques jours a mon maitre
en poesie:
_L'art de faire d
|