lterer les calculs du grand homme, et a imprimer
une tache sur le premier et peut-etre le plus bel acte de sa vie.
Bonaparte ne pouvait guere douter de la ratification du traite;
cependant il n'etait pas sans inquietude, car ce traite etait une
contravention formelle aux instructions du directoire. Il le fit
porter par son fidele et complaisant chef d'etat-major, Berthier qu'il
affectionnait beaucoup, et qu'il n'avait point encore envoye en France
pour jouir des applaudissemens des Parisiens. Avec son tact ordinaire,
il adjoignit un savant au militaire: c'etait Monge, qui avait fait
partie de la commission chargee de choisir les objets d'art en Italie,
et qui, malgre son ardent demagogisme et son esprit geometrique, avait
ete seduit, comme tant d'autres, par le genie, la grace et la gloire.
Monge et Berthier furent rendus a Paris en quelques jours. Ils y
arriverent au milieu de la nuit, et arracherent de son lit le president
du directoire, Larevelliere-Lepaux. Tout en apportant un traite de paix,
les deux envoyes etaient loin d'avoir la joie et la confiance ordinaires
dans ces circonstances; ils etaient embarrasses comme des gens qui
doivent commencer par un aveu penible: il fallait dire, en effet, qu'on
avait desobei au gouvernement. Ils employerent de grandes precautions
oratoires pour annoncer la teneur du traite et excuser le general.
Larevelliere les recut avec tous les egards que meritaient deux
personnages aussi distingues, dont l'un surtout etait un savant
illustre; mais il ne s'expliqua pas sur le traite, et repondit
simplement que le directoire en deciderait. Il le presenta le lendemain
matin au directoire. La nouvelle de la paix s'etait deja repandue
dans tout Paris; la joie etait au comble; on ne connaissait pas les
conditions, mais, quelles qu'elles fussent, on etait certain qu'elles
devaient etre brillantes. On exaltait Bonaparte et sa double gloire.
Comme il l'avait prevu, on etait enthousiasme de trouver en lui le
pacificateur et le guerrier; et une paix qu'il n'avait signee qu'avec
egoisme etait vantee comme un acte de desinteressement militaire. Le
jeune general, disait-on, s'est refuse la gloire d'une nouvelle campagne
pour donner la paix a sa patrie.
L'envahissement de la joie fut si prompt, qu'il eut ete bien difficile
au directoire de la tromper, en rejetant le traite de Campo-Formio. Ce
traite etait la suite d'une desobeissance formelle: ainsi le directoire
ne manquait pas d'excellentes raiso
|