es... Il tenait sa rapiere par la lame, et se servait
du pommeau comme d'une massue. Ce fut ainsi qu'il se fraya un passage
jusqu'a la troupe de Crillon, parmi les gentilshommes de Guise rues sur
lui.
Pardaillan se dressa sur la pointe des pieds et leva tres haut, de son
bras tendu, sa rapiere vers le ciel. Et alors, d'une voix qui resonna
comme du bronze, a l'instant ou Crillon, eperdu, se voyait deborde, ou
les gardes allaient se debander, ou Guise, deja, poussait un rugissement
de triomphe, Pardaillan tonna:
--Trompettes! sonnez la marche royale!...
Electrises, souleves par l'enthousiasme des grands chocs, les hommes
d'armes hurlerent dans un grand elan:
--Vive le roi!...
Et ils se mirent en marche, tandis que la fanfare royale eclatait et
dominait l'epouvantable tumulte...
Et, en avant, l'epee haute, pres de Charles qu'il entrainait, pres de
Crillon, stupefait, qui l'admirait, le chevalier de Pardaillan marchait,
foncant dans la foule, entrainant les hommes d'armes, creusant un
sillage a travers les masses des ligueurs et les infernales clameurs de
mort... Maintenant, devant la troupe de Crillon, devant ces blesses qui
s'avancaient d'un pas pesant et regulier, la hallebarde croisee, les
multitudes de bourgeois s'ouvraient, fuyaient, les uns courant s'armer,
les autres dechargeant leurs pistolets au hasard.
Pardaillan avait remis sa rapiere au fourreau. Il marchait en tete, d'un
pas rude, et criait:
"Place au roi! Place au roi!..."
Et il y avait une telle ironie dans ce cri que ceux qui l'entendaient ne
savaient de quel roi le chevalier voulait parler, ni si c'etait vraiment
pour le service d'un roi que flamboyait le regard de cet homme!
A ce moment, mille ligueurs, commandes par Bussi-Leclerc, armes
d'arquebuses toutes chargees, deboucherent au pas de course sur la place
de Greve, venant de la Bastille.
--Enfin! rugit le duc de Guise, triomphant.
Il allait s'elancer vers Bussi-Leclerc; une main, tout a coup, se posa
sur son bras.
--Que voulez-vous! gronda-t-il d'une voix rauque a celui qui venait
d'arreter son elan--un gentilhomme, vetu de velours noir, silencieux et
sinistrement paisible.
--Lisez ceci, monseigneur duc, dit le gentilhomme qui tendit un pli
ferme.
--He! monsieur! vocifera Guise. Tout a l'heure...
--Il sera trop tard! dit l'homme vetu de noir. Cette lettre est de la
princesse Fausta!...
Le duc qui s'elancait s'arreta court, avec un profond tressaillement. Il
sa
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