t au fait
que les provisions commencaient a manquer (d'apres les on dit) rendit
les soldats quelque peu taciturnes et chacun se mit a nettoyer son
fusil, et a voir si ses cartouches etaient en bon ordre. Au moment de
partir, le major Robert nous annonca que le lendemain matin dix waggons
vides nous rencontreraient et que les plus fatigues pourraient ainsi
faire le trajet en voiture. Apres plusieurs milles de marche, vers les
quatre heures, quatorze charrettes vides, attelees de _cayuses_, furent
rencontrees. Presque tous monterent, et le voyage se continua au milieu
des gais refrains des soldats heureux d'avoir enfin des transports. Vers
cinq heures et demie a.m., le camp fut fixe et la nuit se passa sans
incident en depit des rumeurs et des faux rapports.
De bonne heure, mardi, on etait pret a partir et tous, satisfaits de ne
plus marcher, se mirent en route joyeusement. Vers les dix heures, l'on
arriva a la Riviere du Chevreuil Rouge, qui est a peu pres a mi-chemin
entre Calgarry et Edmonton. En descendant de voiture la compagnie No.
1 recut ordre de construire un radeau pour traverser le canon; car la
riviere etait trop haute pour la passer a pied. On se mit joyeusement
a l'oeuvre et, en moins d'une heure, un radeau, solide et bien fait,
attendait sa charge. Il fallut alors penser a traverser le cable qu'on
devait attacher sur l'autre rive. Apres que plusieurs eussent tente de
le faire, mais en vain, le caporal Beaudoin et le soldat N. Robert de
la Compagnie No. 1 s'en chargerent et reussirent. Enfin le canon fat
embarque et plusieurs soldats monterent a bord avec le major Perry.
On coupe les amarres et le radeau prend son elan. Il descend
terriblement vite; quand, a peine rendu vers le milieu de la riviere,
le cable se brise. Le courant entraine le radeau et sa charge avec une
vitesse vertigineuse. En vain des soldats essayent de jeter un bout de
cable au major, leurs efforts sont infructueux et le radeau continue sa
course. A cinq milles plus bas est un rapide des plus dangereux. Si l'on
peut sauver la vie de tous ceux qui sont a bord, au moins faudra-t-il
sacrifier le canon et les munitions... Tout a coup le major se precipite
a l'eau et ayant saisi un cable de la main d'un soldat, il remonte a
bord et, en quelques minutes, tous y mettant la main, on obtient une
nouvelle amarre et le radeau est sauve. Il atterrit trois milles plus
bas, a peine a un mille et demi de la chute. Le canon fut debarque a
terre, mais
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