1: Massillon, _Sermon sur les afflictions._]
Un portrait de Mignard represente la duchesse de La Valliere avec ses
enfants: Mlle de Blois et le comte de Vermandois. Elle est pensive et
tient a la main un chalumeau, a l'extremite duquel flotte une bulle de
savon avec ces mots: _Sic transit gloria mundi_, "Ainsi passe la gloire du
monde." Ne pourrait-ce pas etre la devise de toutes les heroines de
Versailles?
Combien auraient pu dire comme Mme de Sevigne, riche aussi, honoree,
adulee, heureuse en apparence: "Je trouve la mort si terrible, que je hais
plus la vie parce qu'elle m'y mene que par les epines dont elle est semee.
Vous me direz que je veux donc vivre eternellement? Point du tout; mais si
on m'avait demande mon avis, j'aurais bien mieux aime mourir entre les
bras de ma nourrice; cela m'aurait ote bien des ennuis, et m'aurait donne
le ciel bien surement et bien aisement[2]."
[Note 2: Mme de Sevigne, lettre du 16 mars 1672.]
La princesse Palatine, Madame, femme du frere de Louis XIV, ecrivait a
propos de la mort de la reine d'Espagne: "J'entends et je vois tous les
jours tant de vilaines choses, que tout cela me degoute de la vie. Vous
aviez bien raison de dire que la bonne reine est maintenant plus heureuse
que nous, et si quelqu'un voulait me rendre, comme a elle et a sa mere, le
service de m'envoyer en vingt-quatre heures de ce monde dans l'autre, je
ne lui en saurais certes pas mauvais gre. [1]"
[Note 1: Lettres de la princesse Palatine, 20 mars 1689.]
Meme avant l'heure des grandes humiliations ou il faudra descendre
l'escalier de marbre de Versailles pour ne plus le remonter, Mme de
Montespan cachait dans "son triomphe exterieur un fond de tristesse" [2].
[Note [2]: Mme de Sevigne, lettre du 31 juillet 1675.]
La rivale qui, contre toute attente, devait la supplanter, Mme de
Maintenon, ecrivait a Mme de La Maisonfort: "Que ne puis-je vous donner
mon experience! que ne puis-je vous faire voir l'ennui qui devore les
grands et la peine qu'ils ont a remplir leurs journees! Ne voyez-vous pas
que je meurs de tristesse dans une fortune qu'on aurait eu peine a
imaginer? J'ai ete jeune et jolie; j'ai goute les plaisirs; j'ai passe des
annees dans le commerce de l'esprit; je suis venue a la faveur, et je vous
proteste, ma chere fille, que tous les etats laissent un vide affreux."
C'est encore Mme de Maintenon qui disait a son frere, le comte d'Aubigne:
"Je n'y puis plus tenir, je voudrais etre morte.
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