examen prouvera que c'est un fait de haute importance. Je
demande a ce qu'on enregistre seulement toutes les circonstances de ce
recit, et a ce qu'on procede au reste de l'examen."
Le juge fit un signe, et une porte s'ouvrit; la personne qu'on allait
introduire se fit attendre quelques instants. Orio s'assit brusquement au
moment ou elle parut.
C'etait Naam; le docteur regardait Orio tres-attentivement.
"Puisque Vos Excellences passent a l'examen du troisieme chef d'accusation,
dit-il, je demande a etre entendu sur un fait recent qui denouera
certainement tout le noeud de cette affaire, et qui seul pouvait m'engager,
ainsi que je l'ai fait depuis quelques jours, a me porter l'adversaire de
l'accuse.
--Parlez, dit le juge: cette seance, consacree a l'examen des faits,
appelle et accueille toute espece de revelation.
--Avant-hier, dit Barbolamo, messer Orio Soranzo, que depuis plusieurs
jours je voyais en qualite de medecin, ainsi que sa complice, me temoigna
un grand degout de la vie, et me supplia de lui procurer du poison, afin,
disait-il, que, si le mensonge et la haine triomphaient du bon droit et de
la verite, il put se soustraire aux lenteurs d'un supplice indigne en tout
cas d'un patricien. Ne pouvant me delivrer de son obsession, mais ne
m'arrogeant pas le droit de soustraire un accuse a la justice des lois,
j'allai lui chercher une poudre soporifique, et l'assurai que quelques
grains de cette poudre suffiraient pour le delivrer de la vie. Il me fit
les plus vifs remerciments, et me promit de n'attenter a ses jours
qu'apres la decision du tribunal.
"Vers le soir, je fus appele par l'intendant des prisons a porter mes
soins a la fille arabe Naam, la complice d'Orio. Le geolier, etant rentre
dans son cachot quelques heures apres lui avoir porte son repas, l'avait
trouvee plongee dans un sommeil lethargique, et l'on craignait qu'elle
n'eut tente de s'empoisonner. Je la trouvai en effet endormie par l'effet
bien appreciable d'un narcotique. J'examinai ses aliments, et je trouvai
dans son breuvage le reste de la poudre que j'avais donnee a messer
Soranzo. Je pris des informations, et je sus par le geolier que chaque
jour messer Soranzo envoyait a Naam des aliments plus choisis que ceux de
la prison, et une certaine boisson preparee avec du miel et du citron,
dont elle avait l'habitude. Moi-meme je m'etais prete, avec la permission
de l'intendant, a porter a la captive ces adoucissements au regime de la
pri
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