constitution de 93. Tout etait deja prepare, jusqu'aux pinces pour
ouvrir les prisons, aux cartes de ralliement pour reconnaitre les
conjures, a une piece d'etoffe pour pendre a la fenetre de la maison
d'ou partiraient tous les ordres. On saisit une lettre cachee dans un
pain, et adressee a un prisonnier, dans laquelle on lui disait: "Le jour
ou vous recevrez des oeufs moitie blancs moitie rouges, vous vous
tiendrez prets." Le jour fixe etait le 1er floreal. L'un des conjures
trahit le secret, et livra les details du projet au comite de surete
generale. Ce comite fit arreter aussitot tous les chefs designes, ce qui
malheureusement ne desorganisait pas les projets des patriotes; car tout
le monde etait chef aujourd'hui chez eux, et on conspirait en mille
endroits a la fois. Rovere, digne autrefois du nom de terroriste sous
l'ancien comite de salut public, et aujourd'hui forcene reacteur, vint
faire sur ce complot un rapport a la convention, et chargea beaucoup les
deputes qui devaient etre mis a la tete des rassemblemens. Ces deputes
etaient etrangers au complot, et on avait dispose de leurs noms a leur
insu, parce qu'on en avait besoin, et que l'on comptait sur leurs
dispositions. Deja condamnes par un decret a etre detenus a Ham, ils
n'avaient pas obei, et s'etaient soustraits a leur condamnation. Rovere
fit decider par l'assemblee que, s'ils ne se constituaient pas
prisonniers sur-le-champ, ils seraient deportes par le fait seul de leur
desobeissance. Ce projet avorte indiquait assez un prochain evenement.
Des que les journaux eurent fait connaitre ce nouveau complot des
patriotes, une grande agitation se manifesta a Lyon, et il y eut contre
eux un redoublement de fureur. On jugeait dans ce moment a Lyon un
fameux denonciateur terroriste, poursuivi en vertu du decret rendu
contre les complices de Robespierre. Les journaux venaient d'arriver et
de faire connaitre le rapport de Rovere sur le complot du 29 germinal.
Les Lyonnais commencerent a s'agiter; la plupart avaient a deplorer ou
la ruine de leur fortune ou la mort de leurs parens. Ils s'ameuterent
autour de la salle du tribunal. Le representant Boisset monta a cheval;
on l'entoura, et chacun se mit a lui enumerer ses griefs contre l'homme
en jugement. Les promoteurs de desordre, les membres des compagnies du
Soleil et de Jesus profiterent de cette emotion, fomenterent le tumulte,
se porterent aux prisons, les envahirent, et egorgerent soixante-dix ou
quatre-ving
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