raiches.
"C'est Zdenko, lui dit Albert, qui soigne avec amour la naiade de ces
grottes mysterieuses. Il aplanit son lit souvent encombre de gravier et de
coquillages. Il entretient les pales fleurs qui naissent sous ses pas, et
les protege contre ses embrassements parfois un peu rudes."
Consuelo regarda le ciel a travers les fentes du rocher. Elle vit briller
une etoile.
"C'est Aldebaram, l'etoile des Zingari, lui dit Albert. Le jour ne
paraitra que dans une heure.
--C'est mon etoile, repondit Consuelo; car je suis, non de race, mais de
condition, une sorte de Zingara, mon cher comte. Ma mere ne portait pas
d'autre nom a Venise, quoiqu'elle se revoltat contre cette appellation,
injurieuse, selon ses prejuges espagnols. Et moi j'etais, je suis encore
connue dans ce pays-la, sous le titre de Zingarella.
--Que n'es-tu en effet un enfant de cette race persecutee! Repondit
Albert: je t'aimerais encore davantage, s'il etait possible!"
Consuelo, qui avait cru bien faire en rappelant au comte de Rudolstadt
La difference de leurs origines et de leurs conditions, se souvint de ce
qu'Amelie lui avait appris des sympathies d'Albert pour les pauvres et
les vagabonds. Elle craignit de s'etre abandonnee involontairement a un
sentiment de coquetterie instinctive, et garda le silence.
Mais Albert le rompit au bout de quelques instants.
"Ce que vous venez de m'apprendre, dit-il, a reveille en moi, par je ne
sais quel enchainement d'idees, un souvenir de ma jeunesse, assez pueril,
mais qu'il faut que je vous raconte, parce que, depuis que je vous ai vue,
il s'est presente plusieurs fois a ma memoire avec une sorte d'insistance.
Appuyez-vous sur moi davantage, pendant que je vous parlerai, chere soeur.
"J'avais environ quinze ans; je revenais seul, un soir, par un des
sentiers qui cotoient le Schreckenstein, et qui serpentent sur les
collines, dans la direction du chateau. Je vis devant moi une femme grande
et maigre, miserablement vetue, qui portait un fardeau sur ses epaules,
et qui s'arretait de roche en roche pour s'asseoir et reprendre haleine.
Je l'abordai. Elle etait belle, quoique halee par le soleil et fletrie par
la misere et le souci. Il y avait sous ses haillons une sorte de fierte
douloureuse; et lorsqu'elle me tendit la main, elle eut l'air de commander
a ma pitie plutot que de l'implorer. Je n'avais plus rien dans ma bourse,
et je la priai de venir avec moi jusqu'au chateau, ou je pourrais lui
offrir des se
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