rtes bien, tu parais calme et heureux
desormais parmi nous. Je mourrai console, et la reconnaissance de ton pere
te portera bonheur apres notre separation.
--Ne parlez pas de separation, mon pere! s'ecria le jeune comte, dont les
yeux se remplirent subitement de larmes. Je n'ai pas la force de supporter
cette idee."
La chanoinesse, qui commencait a s'attendrir, fut aiguillonnee en cet
instant par un regard du chapelain, qui se leva et sortit du salon avec
une discretion affectee.
C'etait lui donner l'ordre et le signal. Elle pensa, non sans douleur et
sans effroi, que le moment etait venu de parler; et, fermant les yeux
comme une personne qui se jette par la fenetre pour echapper a l'incendie,
elle commenca ainsi en balbutiant et en devenant plus pale que de coutume:
"Certainement Albert cherit tendrement son pere, et il ne voudrait pas lui
causer un chagrin mortel...."
Albert leva la tete, et regarda sa tante avec des yeux si clairs et si
penetrants, qu'elle fut toute decontenancee, et n'en put dire davantage.
Le vieux comte parut ne pas avoir entendu cette reflexion bizarre, et,
dans le silence qui suivit, la pauvre Wenceslawa resta tremblante sous
le regard de son neveu, comme la perdrix sous l'arret du chien qui la
fascine et l'enchaine.
Mais le comte Christian, sortant de sa reverie au bout de quelques
instants, repondit a sa soeur comme si elle eut continue de parler, ou
comme s'il eut pu lire dans son esprit les revelations qu'elle voulait lui
faire.
"Chere soeur, dit-il, si j'ai un conseil a vous donner, c'est de ne pas
vous tourmenter de choses auxquelles vous n'entendez rien. Vous n'avez su
de votre vie ce que c'etait qu'une inclination de coeur, et l'austerite
d'une chanoinesse n'est pas la regle qui convient a un jeune homme.
--Dieu vivant! murmura la chanoinesse bouleversee, ou mon frere ne
veut pas me comprendre, ou sa raison et sa piete l'abandonnent.
Serait-il possible qu'il voulut encourager par sa faiblesse ou traiter
legerement....
--Quoi? ma tante, dit Albert d'un ton ferme et avec une physionomie
severe. Parlez, puisque vous etes condamnee a le faire. Formulez
clairement votre pensee. Il faut que cette contrainte finisse, et que
nous nous connaissions les uns les autres.
--Non, ma soeur, ne parlez pas, repondit le comte Christian; vous n'avez
rien de neuf a me dire. Il y a longtemps que je vous entends a merveille
sans en avoir l'air. Le moment n'est pas venu de s'expliquer sur
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