etait pres de paraitre et que lui-meme
venait de se lever. Grace a ces delicates tromperies, Consuelo ne
souffrait jamais de son absence, et elle ne s'inquietait pas de la fatigue
qu'il devait ressentir.
Cette fatigue etait, malgre tout, si legere, qu'Albert ne s'en apercevait
pas. L'amour donne des forces au plus faible; et outre qu'Albert etait
d'une force d'organisation exceptionnelle, jamais poitrine humaine n'avait
loge un amour plus vaste et plus vivifiant que le sien. Lorsqu'aux
premiers feux du soleil Consuelo s'etait lentement trainee a sa chaise
longue, pres de la fenetre entr'ouverte, Albert venait s'asseoir derriere
elle, et cherchait dans la course des nuages ou dans le pourpre des
rayons, a saisir les pensees que l'aspect du ciel inspirait a sa
silencieuse amie. Quelquefois il prenait furtivement un bout du voile
dont elle enveloppait sa tete, et dont un vent tiede faisait flotter les
plis sur le dossier du sofa. Albert penchait son front comme pour se
reposer, et collait sa bouche contre le voile. Un jour, Consuelo, en
le lui retirant pour le ramener sur sa poitrine, s'etonna de le trouver
chaud et humide, et, se retournant avec plus de vivacite qu'elle n'en
mettait dans ses mouvements depuis l'accablement de sa maladie, elle
surprit une emotion extraordinaire sur le visage de son ami. Ses joues
etaient animees, un feu devorant couvait dans ses yeux, et sa poitrine
etait soulevee par de violentes palpitations.... Albert maitrisa
rapidement son trouble: mais il avait eu le temps de voir l'effroi se
peindre dans les traits de Consuelo. Cette observation l'affligea
profondement. Il eut mieux aime la voir armee de dedain et de severite
qu'assiegee d'un reste de crainte et de mefiance. Il resolut de veiller
sur lui-meme avec assez de soin pour que le souvenir de son delire ne vint
plus alarmer celle qui l'en avait gueri au peril et presque au prix de sa
propre raison et de sa propre vie.
Il y parvint, grace a une puissance que n'eut pas trouvee un homme place
dans une situation d'esprit plus calme. Habitue des longtemps a concentrer
l'impetuosite de ses emotions, et a faire de sa volonte un usage d'autant
plus energique qu'il lui etait plus souvent dispute par les mysterieuses
atteintes de son mal, il exercait sur lui-meme un empire dont on ne lui
tenait pas assez de compte. On ignorait la frequence et la force des
acces qu'il avait su dompter chaque jour, jusqu'au moment ou, domine par
la violence du dese
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