ise, passablement fine et
decidee; et un matin, au moment ou son pere partait pour la chasse,
elle le pria de la conduire en voiture au chateau d'une dame de leur
connaissance, a qui elle devait depuis longtemps une visite. Le baron eut
bien un peu de peine a quitter son fusil et sa gibeciere pour changer sa
toilette et l'emploi de sa journee. Mais il se flatta que cet acte de
condescendance rendrait Amelie moins exigeante; que la distraction de
cette promenade emporterait sa mauvaise humeur, et l'aiderait a passer
sans trop murmurer quelques jours de plus au chateau des Geants. Quand
le brave homme avait une semaine devant lui, il croyait avoir assure
l'independance de toute sa vie; sa prevoyance n'allait point au dela.
Il se resigna donc a renvoyer Saphyr et Panthere au chenil; et Attila, le
faucon, retourna sur son perchoir d'un air mutin et mecontent qui arracha
un gros soupir a son maitre.
Enfin le baron monte en voiture avec sa fille, et au bout de trois tours
de roue s'endort profondement selon son habitude en pareille circonstance.
Aussitot le cocher recoit d'Amelie l'ordre de tourner bride et de se
Diriger vers la poste la plus voisine. On y arrive apres deux heures de
marche rapide; et lorsque le baron ouvre les yeux, il voit des chevaux de
poste atteles a son brancard tout prets a l'emporter sur la route de
Prague.
"Eh bien, qu'est-ce? ou sommes-nous? ou allons-nous? Amelie, ma chere
enfant, quelle distraction est la votre? Que signifie ce caprice, ou
cette plaisanterie?"
A toutes les questions de son pere la jeune baronne ne repondait que par
des eclats de rire et des caresses enfantines. Enfin, quand elle vit le
postillon a cheval et la voiture rouler legerement sur le sable de la
grande route, elle prit un air serieux, et d'un ton fort decide elle parla
ainsi:
"Cher papa, ne vous inquietez de rien. Tous nos paquets ont ete fort
bien faits. Les coffres de la voiture sont remplis de tous les effets
necessaires au voyage. Il ne reste au chateau des Geants que vos armes et
vos betes, dont vous n'avez que faire a Prague, et que d'ailleurs on vous
renverra des que vous les redemanderez. Une lettre sera remise a mon oncle
Christian, a l'heure de son dejeuner. Elle est tournee de maniere a lui
faire comprendre la necessite de notre depart, sans l'affliger trop, et
sans le facher contre vous ni contre moi. Maintenant je vous demande
humblement pardon de vous avoir trompe; mais il y avait pres d'un mois que
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