ce sujet.
Quand il en sera temps, je sais ce que j'aurai a faire."
Il affecta aussitot de parler d'autre chose, et laissa la chanoinesse
consternee, Albert incertain et trouble.
Quand le chapelain sut de quelle maniere le chef de la famille avait recu
l'avis indirect qu'il lui avait fait donner, il fut saisi de crainte.
Le comte Christian, sous un air d'indolence et d'irresolution, n'avait
Jamais ete un homme faible. Parfois on l'avait vu sortir d'une sorte de
Somnolence par des actes de sagesse et d'energie. Le pretre eut peur
d'avoir ete trop loin et d'etre reprimande. Il s'attacha donc a detruire
son ouvrage au plus vite, et a persuader a la chanoinesse de ne plus se
meler de rien. Quinze jours s'ecoulerent de la maniere la plus paisible,
sans que rien put faire pressentir a Consuelo qu'elle etait un sujet de
trouble dans la famille. Albert continua ses soins assidus aupres d'elle,
et lui annonca le depart d'Amelie comme une absence passagere dont il ne
lui fit pas soupconner le motif. Elle commenca a sortir de sa chambre; et
la premiere fois qu'elle se promena dans le jardin, le vieux Christian
soutint de son bras faible et tremblant les pas chancelants de la
convalescente.
LI.
Ce fut un bien beau jour pour Albert que celui ou il vit sa Consuelo
reprendre a la vie, appuyee sur le bras de son vieux pere, et lui tendre
la main en presence de sa famille, en disant avec un sourire ineffable:
"Voici celui qui m'a sauvee, et qui m'a soignee comme si j'etais sa
soeur."
Mais ce jour, qui fut l'apogee de son bonheur, changea tout a coup, et
plus qu'il ne l'avait voulu prevoir, ses relations avec Consuelo.
Desormais associee aux occupations et rendue aux habitudes de la famille,
elle ne se trouva plus que rarement seule avec lui. Le vieux comte, qui
paraissait avoir pris pour elle une predilection plus vive qu'avant sa
maladie, l'entourait de ses soins avec une sorte de galanterie paternelle
dont elle se sentait profondement touchee. La chanoinesse, qui ne disait
plus rien, ne s'en faisait pas moins un devoir de veiller sur tous ses
pas, et de venir se mettre en tiers dans tous ses entretiens avec Albert.
Enfin, comme celui-ci ne donnait plus aucun signe d'alienation mentale,
On se livra au plaisir de recevoir et meme d'attirer les parents et les
voisins, longtemps negliges. On mit une sorte d'ostentation naive et
tendre a leur montrer combien le jeune comte de Rudolstadt etait redevenu
sociable et graci
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