t devant nous, et l'endroit que vous prenez est un
Sentier pour les pietons."
La voix que Consuelo connaissait si bien parut s'eloigner et redescendre,
et bientot elle l'entendit demander, quel etait ce beau chateau qu'on
voyait sur l'autre rive.
"C'est _Riesenburg_, comme qui dirait _il castello dei giganti_" repondit
le guide; car c'en etait un de profession.
Et Consuelo commencait a le voir au bas de la colline, a pied et
conduisant par la bride deux chevaux couverts de sueur. Le mauvais etat
du chemin, devaste recemment par le torrent, avait force les cavaliers
de mettre pied a terre. Le voyageur suivait a quelque distance, et enfin
Consuelo put l'apercevoir en se penchant sur le rocher qui la protegeait.
Il lui tournait le dos, et portait un costume de voyage qui changeait sa
tournure et jusqu'a sa demarche. Si elle n'eut entendu sa voix, elle eut
que ce n'etait pas lui. Mais il s'arreta pour regarder le chateau, et,
otant son large chapeau, il s'essuya le visage avec son mouchoir.
Quoiqu'elle ne le vit qu'en plongeant d'en haut sur sa tete, elle reconnut
cette abondante chevelure doree et bouclee, et le mouvement qu'il avait
coutume de faire avec la main pour en soulever le poids sur son front et
sur sa nuque lorsqu'il avait chaud.
"Ce chateau a l'air tres-respectable, dit-il; et si j'en avais le temps,
j'aurais envie d'aller demander a dejeuner aux geants qui l'habitent.
--Oh! n'y essayez pas, repondit le guide en secouant la tete. Les
Rudolstadt ne recoivent que les mendiants ou les parents.
--Pas plus hospitaliers que cela? Le diable les emporte!
--Ecoutez donc! c'est qu'ils ont quelque chose a cacher.
--Un tresor, ou un crime?
--Oh! rien; c'est leur fils qui est fou.
--Le diable l'emporte aussi, en ce cas! Il leur rendra service."
Le guide se mit a rire. Anzoleto se remit a chanter.
"Allons, dit le guide en s'arretant, voici le mauvais chemin passe; si
vous voulez remonter a cheval, nous allons faire un temps de galop
jusqu'a Tusta. La route est magnifique jusque la; rien que du sable.
Vous trouverez la la grande route de Prague et de bons chevaux de poste.
--Alors, dit Anzoleto en rajustant ses etriers, je pourrai dire: Le diable
t'emporte aussi! car tes haridelles, tes chemins de montagne et toi,
commencez a m'ennuyer singulierement."
En parlant ainsi, il enfourcha lestement sa monture, lui enfonca ses deux
eperons dans le ventre, et, sans s'inquieter de son guide qui le suivait
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