dres a certains egards,
ait voulu me conduire vers vous. J'y suis parvenue a travers mille
dangers....
--Vous n'avez pas pu y parvenir si Zdenko ne l'a pas voulu, reprit Albert
en soulevant son corps appesanti et affaisse sur la table. Vous etes un
reve, je le vois bien, et tout ce que j'entends la se passe dans mon
imagination. O mon Dieu! vous me bercez de joies trompeuses, et tout a
coup le desordre et l'incoherence de mes songes se revelent a moi-meme,
je me retrouve seul, seul au monde, avec mon desespoir et ma folie! Oh!
Consuelo, Consuelo! reve funeste et delicieux! Ou est l'etre qui porte
ton nom et qui revet parfois ta figure? Non, tu n'existes qu'en moi, et
c'est mon delire qui t'a cree!".
Albert retomba sur ses bras etendus, qui se raidirent et devinrent froids
comme le marbre.
Consuelo le voyait approcher de la crise lethargique, et se sentait
elle-meme si epuisee, si prete a defaillir, qu'elle craignait de ne
pouvoir plus conjurer cette crise. Elle essaya de ranimer les mains
d'Albert dans ses mains qui n'etaient guere plus vivantes.
"Mon Dieu! dit-elle d'une voix eteinte et avec un coeur brise, assiste
deux malheureux qui ne peuvent presque plus rien l'un pour l'autre!"
Elle se voyait seule, enfermee avec un mourant, mourante elle-meme, et ne
pouvant plus attendre de secours pour elle et pour lui que de Zdenko dont
le retour lui semblait encore plus effrayant que desirable.
Sa priere parut frapper Albert d'une emotion inattendue.
"Quelqu'un prie a cote de moi, dit-il en essayant de soulever sa tete
accablee. Je ne suis pas seul! oh non, je ne suis pas seul, ajouta-t-il
en regardant la main de Consuelo enlacee aux siennes. Main secourable,
pitie mysterieuse, sympathie humaine, fraternelle! tu rends mon agonie
bien douce et mon coeur bien reconnaissant!"
Il colla ses levres glacees sur la main de Consuelo, et resta longtemps
ainsi.
Une emotion pudique rendit a Consuelo le sentiment de la vie. Elle n'osa
point retirer sa main a cet infortune; mais, partagee entre son embarras
et son epuisement, ne pouvant plus se tenir debout, elle fut forcee de
s'appuyer sur lui et de poser son autre main sur l'epaule d'Albert.
"Je me sens renaitre, dit Albert au bout de quelques instants. Il me
semble que je suis dans les bras de ma mere. O ma tante Wenceslawa! Si
c'est vous qui etes aupres de moi, pardonnez-moi de vous avoir oubliee,
vous et mon pere, et toute ma famille, dont les noms meme etaient sor
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