la terre pour se
soutenir, comme atteint d'une irresistible defaillance.
Consuelo, en s'initiant peu a peu aux secrets de sa maladie mentale, se
sentit vivifiee et comme inspiree par une force et une intelligence
nouvelles. Elle lui prit les mains, et, le forcant de se relever, elle le
conduisit vers le siege qui etait aupres de la table. Il s'y laissa
tomber, accable d'une fatigue inouie, et se courba en avant comme s'il
eut ete pres de s'evanouir. Cette lutte dont il parlait n'etait que trop
reelle. Albert avait la faculte de retrouver sa raison et de repousser
les suggestions de la fievre qui devorait son cerveau; mais il n'y
parvenait pas sans des efforts et des souffrances qui epuisaient ses
organes. Quand cette reaction s'operait d'elle-meme, il en sortait
rafraichi et comme renouvele; mais quand il la provoquait par une
resolution de sa volonte encore puissante, son corps succombait sous la
crise, et la catalepsie s'emparait de tous ses membres. Consuelo comprit
ce qui se passait en lui:
"Albert, lui dit-elle en posant sa main froide sur cette tete brulante,
je vous connais, et cela suffit. Je m'interesse a vous, et cela doit vous
suffire aussi quant a present. Je vous defends de faire aucun effort de
volonte pour me reconnaitre et me parler. Ecoutez-moi seulement; et si
mes paroles vous semblent obscures, attendez que je m'explique, et ne
vous pressez pas d'en savoir le sens. Je ne vous demande qu'une soumission
passive et l'abandon entier de votre reflexion. Pouvez-vous descendre
dans votre coeur, et y concentrer toute votre existence?
--Oh! que vous me faites de bien! repondit Albert. Parlez-moi encore,
parlez-moi toujours ainsi. Vous tenez mon ame dans vos mains. Qui que
vous soyez, gardez-la, et ne la laissez point s'echapper; car elle
irait frapper aux portes de l'Eternite, et s'y briserait. Dites-moi
qui vous etes, dites-le-moi bien vite; et, si je ne le comprends pas,
expliquez-le-moi: car, malgre moi, je le cherche et je m'agite.
--Je suis Consuelo, repondit la jeune fille, et vous le savez, puisque
vous me parlez d'instinct une langue que seule autour de vous je puis
comprendre. Je suis une amie que vous avez attendue longtemps, et que
vous avez reconnue un jour qu'elle chantait. Depuis ce jour-la, vous avez
quitte votre famille, et vous etes venu vous cacher ici. Depuis ce jour,
je vous ai cherche; et vous m'avez fait appeler par Zdenko a diverses
reprises, sans que Zdenko, qui executait vos or
|