apres la
Trinite.
La prise de cette place fut sans doute un de ces coups extraordinaires
de la providence de Dieu, qui repandit la terreur dans le coeur de ses
ennemis pour produire un effet si surprenant et aussi peu espere que
celui-la. On ne perdit presque personne a la descente, et nul seigneur
de marque, excepte le comte de la Marche, qui mourut quelque temps
apres, de ses blessures.
Le saint roi ne manqua pas de reconnaitre en cette occasion la visible
protection de Dieu: il en donna de sensibles marques en entrant dans
Damiette, non pas avec la pompe et le faste d'un conquerant, mais avec
l'humilite d'un prince veritablement chretien, qui fait un hommage
humble et sincere de la victoire au Dieu qui la lui a procuree.
Il entra dans la ville en procession, pieds nus, avec la reine, les
princes ses freres, le roi de Chypre et tous les seigneurs de l'armee,
precedes par le legat, le patriarche de Jerusalem, les eveques, et
tout le clerge du camp. On alla de cette maniere jusqu'a la principale
mosquee, que le legat purifia et reconcilia avec les ceremonies
ordinaires de l'Eglise, a la mere de Dieu, a laquelle elle avait ete
dediee par le roi Jean de Brienne, lorsqu'il avait pris Damiette,
quelques annees auparavant.
Il eut ete a souhaiter que les sentimens de piete que tous les croises
temoignerent en cette occasion, eussent ete aussi constans qu'ils le
furent toujours dans le coeur du roi meme: la prosperite en eut sans
doute ete par la suite la recompense, au lieu des malheurs dont Dieu
chatia leurs debauches et les autres exces auxquels ils s'abandonnerent,
malgre les ordres, les exhortations et l'exemple d'un prince qui n'etait
pas toujours aussi exactement obei qu'il l'eut souhaite et qu'il le
meritait.
On fut oblige de s'arreter a Damiette, non-seulement pour attendre les
vaisseaux disperses par la tempete, et qui arriverent heureusement les
uns apres les autres, mais encore a cause de l'accroissement du Nil, qui
se fait au mois de juin, ou l'on se trouvait alors. L'exemple du roi
Jean de Brienne, qui s'etait malheureusement engage au milieu de
l'inondation, apres la premiere prise de Damiette, fit prendre cette
sage precaution.
Ce fut dans ce sejour et le repos si fatal a l'armee chretienne, que la
plupart des croises ne penserent qu'a se divertir, ou plutot a se livrer
aux plus horribles desordres. Ces jeunes chevaliers, ne se voyant point
d'ennemis en tete, s'abimerent dans les plaisirs: la pass
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