rasins. Il se contenta donc de fortifier son camp, et de faire
faire la garde la plus exacte. Cette bravade du sultan n'aboutit a rien:
car il n'avait pas assez de force pour se tenir a cheval. Il envoya
seulement un grand corps de troupes qui fit quelques mouvemens pour
attaquer le camp du roi; mais ce prince, sans vouloir accorder a
plusieurs seigneurs qui l'en prierent, la permission de faire une sortie
sur les Sarrasins, se contenta de se mettre en etat de pouvoir les
repousser, s'ils osaient tenter l'attaque. Il n'y eut que le seigneur
Gauthier d'Autreche, chatelain de Bar, de la maison de Chatillon, qui,
malgre les defenses du roi, sortit avec son ecuyer pour voir s'il ne
pourrait point enlever ou tuer quelques Mahometans. Il etait monte sur
un cheval entier fort en bouche, qui, l'emportant vers l'armee des
ennemis, le jeta par terre. Aussitot quatre Sarrasins vinrent fondre sur
lui, et l'assommerent a coups de massues. Il fut toutefois secouru par
le connetable de Beaujeu, avant qu'ils eussent pu l'achever; mais il
mourut de ses blessures. Tout brave qu'il etait, le roi ne le plaignit
point, et dit sagement qu'il serait bien fache d'avoir, dans son armee,
beaucoup de ces faux braves sans obeissance ni subordination, capables
d'y faire beaucoup plus de mal par leur sotte vanite et leur mauvais
exemple, que de rendre aucun service.
Mais les Sarrasins, n'osant attaquer l'armee chretienne a force ouverte,
ne laissaient pas que de l'incommoder par des partis de cavalerie qui,
rodant tout autour du camp, tuaient tous ceux qui s'en ecartaient. Comme
le soudan avait promis un besant d'or a quiconque lui apporterait la
tete d'un chretien, des Arabes, appeles Bedouins, se coulaient toutes
les nuits dans le camp, malgre la garde a cheval qui faisait la ronde,
et entraient jusque dans les tentes, ou ils coupaient la tete aux
soldats qu'ils trouvaient seuls; de sorte que le roi fut oblige de
mettre des corps-de-garde au dehors du camp, si pres les uns des autres,
qu'il etait impossible que quelqu'un y entrat sans etre decouvert.
Les eaux du Nil etant rentrees dans leur lit, a la fin de septembre,
les seigneurs pressaient le roi de se mettre en campagne; mais il avait
resolu de n'en rien faire avant l'arrivee de son frere Alphonse, comte
de Poitiers, qui etait parti d'Aiguemortes, au mois d'aout, avec la
comtesse sa femme, la comtesse d'Artois, et l'arriere-ban de France.
Leur retardement tenait le roi fort en peine; mais en
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