scut ma destinee, il m'envoya querir, me retint a lui,
et me donna huit cents tournois_[1]. Guillaume de Dampierre, Gaucher de
Chatillon, Raoul de Coucy, et beaucoup d'autres seigneurs, se voyaient
dans le meme embarras que le sire de Joinville: le genereux monarque
s'obligea pour eux a des marchands italiens, parmi lesquels on compte
des Spinola et des Doria, noms qui sont devenus depuis si celebres.
[Note 1: Il faut observer que tous les seigneurs qui s'etaient croises,
et qui avaient suivi le roi, ne recevaient aucune paye: ils vivaient a
leurs depens, et entretenaient leurs chevaliers.]
Le melange des Latins avec les Grecs avait fait naitre de grands
differends entre les insulaires. Les Grecs, par les soins du roi,
revinrent de leur schisme, abjurerent les erreurs qu'ils y avaient
ajoutees, et leur archeveque y fut retabli.
La division regnait entre la noblesse et leur archeveque; il eut aussi
le bonheur de les reconcilier: mais, ce qui etait encore plus important,
il fit la paix entre les Templiers et les Hospitaliers, en leur faisant
comprendre qu'en vain ils s'etaient devoues au service de Dieu, si par
leurs inimities, conduites par leur interet particulier, ils effacaient
les belles actions qu'ils avaient faites contre les ennemis de la foi.
Aithon, roi d'Armenie, Bohemond V, prince d'Antioche et de Tripoli, se
faisaient une guerre cruelle pour des interets fort embrouilles; Louis
leur representa si vivement les suites funestes de leurs divisions,
qu'il les engagea enfin a conclure une treve. _Ce Aithon_, dit
Joinville, _etoit homme de grande renommee, et y eut beaucoup de gens
qui passerent en Armenie pour aller en sa bataille gagner et profiter,
desquels puis n'en ouit-on nouvelles_.
La piete du roi, et la sagesse qui paraissait dans toutes les actions de
sa vie, le rendaient puissant sur les esprits et sur les coeurs. On
ne pouvait le voir prier Dieu d'une maniere si persuadee, qu'on ne se
sentit touche, et plusieurs Sarrasins, esclaves dans l'ile de Chypre,
apres l'avoir vu, demanderent le bapteme, et voulurent etre de la
religion d'un prince qui etait l'exemple de toutes les vertus.
On ne voyait parmi les croises que d'eternelles querelles qu'il n'etait
pas aise d'accommoder; le monarque, oblige a beaucoup d'egards, agissait
en ces occasions, moins par autorite que par douceur et par insinuation.
Tous les grands seigneurs, fiers de leur naissance, et qui la plupart
faisaient le voyage a leurs dep
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