ommencer soi-meme la vie par les
plus bas echelons._
_Pendant six mois il fut a son affaire. Il prit des aperitifs avec des
publicistes, meme il s'exerca sur trois jeunes gens a manier les hommes.
C'est pourquoi des personnes bienveillantes disaient au moment du
cigare: "He, voila que ce jeune homme se fait sa place au soleil." Ce
que ton nomme encore:_ il se pousse.
_Et quoiqu'il n'eut qu'a se louer de tout le monde et de soi-meme, son
horreur pour ces contacts etait chaque jour plus nerveuse. Peut-etre
aussi se surchargeait-il, etant attache aux Affaires etrangeres,
secretaire d'un sous-secretaire d'Etat, avec d'autres broutilles._
* * * * *
EXTASE
Qu'on me rende mon moi!
MICHELET.
A cette epoque, pour quelque besogne, une enquete sans doute, il fut a
Bicetre. Et dans la verdure d'un parc immense, par une belle matinee de
soleil, il vit les fous joyeux et affaires, qu'un professeur, vieux
maitre decore, et des jeunes gens serieux et simples interrogeaient
discretement et toujours approuvaient.
Le jeune homme etait las: fatigue de cette course matinale et humilie de
sa besogne pretentieuse. Ce palais de plein air, cette imprevue
hospitalite ou, dans un cadre parfait, dans une exquise regularite de
confort, ces hommes, _si differents_ cependant, suivaient leur reve et
se construisaient des univers, l'emurent. Il les voyait, ces idealistes,
se promener en liberte, a l'ecart, fronts serieux, mains derriere le
dos, s'arretant parfois pour saisir une impression. Nul ne raillait leur
sterile activite, nul ne les faisait rougir; leurs ames vagabondaient,
et vetus de vetements amples, ils laissaient aller leurs gestes.
Isole dans ce delicieux sejour, tandis que personne ne daignait
s'interesser a lui, sinon d'un oeil interrogateur et dedaigneux, il fit
un retour sur lui-meme, poussiereux, incertain du lendemain, hatif et
n'ayant pas trouve son atmosphere....
* * * * *
De ces nobles preaux ou une sage hygiene prend soin de ces reveurs, il
sortit bras ballants, ereinte par le soleil de midi, sans voiture, sans
restaurants voisins, convaincu des difficultes inouies qu'on rencontre a
vivre au plus epais des hommes.
* * * * *
Tout le jour, dans les intervalles de sa miserable besogne, il revit la
douce image de ces jeunes gens de Platon se promenant, se reposant, se
rejouissant soudain
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