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nous ce que nous avons acquis, et nous l'emportons pour l'accroitre dans
l'eternite. Qu'importe que, dans une ou deux de nos existences, nous
n'ayons pas ete assez encourages, si nous avons entretenu le feu sacre
en nous et dans les autres? Ne comptez pas pour rien ces heures ou vous
donnez, avec votre ame, celle des grands maitres a vos amis; tout cela,
c'est un echange, entre eux, vous et nous, de ce qu'il y a de meilleur
et de plus eleve dans le sanctuaire commun.
Ecrivez-nous, cher ami; dites-nous comment vous avez voyage, comment
vous avez retrouve les soeurs, la niece, les montagnes, le pays du sel
et les montagnards artistes.
Toute la famille d'ici vous embrasse: Maurice, que la mort de Delacroix
a beaucoup affecte, surtout par la pensee qu'il est mort sans famille
autour de lui; Lina, qui vous presente son poupon a baiser; madame
Lambert qui ne cesse de parler de vous; son mari, qui vous etudie
retrospectivement avec une sympathie delicate; Marie Lambert, qui pleure
pour un rien, mais qui aime beaucoup; Calamatta, qui ne dit plus rien
contre Delacroix et qui le regrette comme homme, sans l'avoir jamais
compris comme peintre. Voila tout le monde... Non, il y a la grande
Marie, une nature d'elite sous sa blanche cornette; et tous vous aiment
et vous crient: "Revenez!"
GEORGE SAND.
DXXXIII
A M. ALEXANDRE DUMAS FILS, A PARIS
Nohant, 26 aout 1863.
Eh bien, mon cher lumineux fils, etes-vous repose de votre affreux
depart? On m'a dit que vous etiez parti _horriblement_, par la trahison
de l'imbecile qui fait le service. Il est si facile d'avoir une voiture
de louage a la Chatre, que nous sommes tous des niais de compter sur
autre chose, apres tous les tours que nous a joues cette diligence.
Dites-en tous mes regrets a Gautier[1], et promettez-lui que cela
n'arrivera plus. Qu'il n'oublie pas que nous comptons qu'il reviendra et
qu'on l'avertira de ce qu'il y aura _d'instructif_ a voir pour la partie
materielle, dans nos representations. Remerciez-le pour moi et pour nous
tous de sa bonne visite.
Quant a vous, cher fils, je ne vous remercie pas autrement qu'en vous
aimant d'autant plus que vous vous etes devoue pour moi. Grace a vous,
je vois clair dans le travail, et je refais avec soin un scenario plus
developpe. Je suis meme etonnee d'avoir pour cela la memoire que je n'ai
pas pour autre chose. Je me rappelle tout ce que vous m'avez dit comme
si c'etait ecr
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