e, de notre raison ou de notre idealisme. Mais n'appelons plus
cela une religion; car ce n'en a jamais ete une. Ce n'a meme pas ete
une philosophie; c'est un ideal romanesque pour les uns, une grossiere
superstition pour les autres. La part de la raison ne s'y trouve pas, et
la pratique en est aussi elastique, aussi vague que le texte. Ce qui est
quelque chose de reel et de fort, c'est le catholicisme. Mais, comme
c'est quelque chose d'odieux, je n'en veux pas davantage.
Point d'insulte a Jesus. Il a pu etre, et il a du etre grand et bon.
Mais cela ne suffit pas a des esprits serieux pour chercher la toute la
lumiere et toute la verite.
La verite n'a jamais appartenu en propre a un homme, et aucun Dieu n'a
daigne nous la formuler. Elle est en nous tous, en quelques-uns plus
que dans la masse; mais tous peuvent chercher et trouver la somme de
sagesse, de verite et de vertu qui est l'expression du temps ou il vit.
L'homme veut tout definir, tout classer, tout nommer; voila pourquoi
il lui plait d'avoir des messies et des evangiles, mais ces
personnifications et ces dogmes lui ont toujours fait pour le moins
autant de mal que de bien.
Il serait temps d'avoir des lumieres qui ne fussent pas des torches
d'incendie.
DXXX
A M. ALEXANDRE DUMAS FILS, A PARIS
Nohant, 14 juillet 1863, au soir.
Marc-Antoine Sand est ne ce matin, anniversaire de la prise de la
Bastille. Il est grand et fort et il m'a regardee dans les yeux d'un air
attentif et delibere, quand je l'ai recu tout chaud dans mon tablier.
Je crois que nous nous connaissions deja et il m'a eu l'air de vouloir
dire: "Tiens! c'est donc toi?" On l'a fourre dans un bain de vin de
Bordeaux, ou il a gigote avec une satisfaction marquee. Ce soir, il
tette avec voracite, et sa nourrice, qui n'est autre que sa petite
mere, est gaie comme un pinson. Nous avons tire le petit canon et un
_pifferari_ d'Auvergne est venu lui faire entendre le plus primitif
des chants gaulois. Le pere Maurice a pleure comme un veau et le pere
Calamatta comme une huitre, a la vue de ce solide moutard! Tout le monde
est dans la joie: voila! Merci pour votre bonne lettre du 5 juillet;
rejouissez-vous avec nous, mon grand fils, et venez bientot nous voir.
G. SAND.
DXXXI
A M. LEBLOIS, PASTEUR, A STRASBOURG
Nohant, 3 aout 1863.
Monsieur,
Vos excellents discours nous ont beaucoup frappes, mon fils, ma
b
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