qui put etre fait en ce moment-ci.
J'aurais beaucoup a dire sur les artifices du langage de M. Renan. Il
faut etre courageux pour se plaindre d'une forme si admirablement belle.
Mais elle est trop seduisante et pas assez nette, quand elle s'efforce
de laisser un voile sur le degre, le mode de divinite qu'il faut
attribuer a Jesus. Il y a des traits de lumiere vive dans l'ouvrage,
qui empechent un esprit attentif de s'egarer. Mais il y a aussi trop
d'efforts charmants et puerils pour endormir la clairvoyance des esprits
prevenus, et pour sauver d'une main ce qu'il detruit de l'autre. Cela
tient non pas comme on l'a beaucoup dit; a un reflet de l'education du
seminaire, dont ce male talent n'aurait pas su se debarrasser,--je ne
crois pas cela,--mais a un engouement d'artiste pour son sujet. Il y a
du danger, peut-etre de l'inconvenient, a etre philosophe erudit, et
poete. Certainement cela fait un joli ensemble, et rare, dans une tete
humaine; mais, en de telles matieres, l'enthousiasme met en peril la
logique, ou tout au moins la nettete des assertions.
Avez-vous lu cinq ou six pages que M. Renan a publiees le mois dernier,
dans la _Revue des Deux-Mondes[1]?_ J'aime mieux cela que tout ce qu'il
a ecrit jusqu'ici. C'est grand, grand! Je trouve bien quelque chose a
redire encore comme detail; mais c'est si grand, que je resiste peu et
que j'admire beaucoup. C'est moi qui voudrais bien avoir votre pensee
la-dessus, comme vous avez la mienne. Vous savez resumer, vous,
dites-la-moi dans votre concision merveilleuse.
J'irai a Paris cet hiver. Je ne sais pas bien quand. Ma famille va bien.
Mon petit-fils est tout a fait gentil et bon garcon. On dit que votre
fils est superbe; il me tarde de le voir. Mon nid vous envoie tous ses
hommages, ainsi qu'a la princesse.
Est-ce vrai qu'on fera la guerre?
Ce qui est certain, cher prince, c'est que je vous aime toujours de tout
mon coeur.
GEORGE SAND.
[1] _Les Sciences de la nature et les Sciences historiques_, lettre a
M. Berthelot (_Dialogues et Fragments philosophiques_; Calmann
Levy, 1876).
DXXXVII
AU MEME
Nohant, 24 novembre 1863.
Cher prince,
Je vous autorise bien volontiers a donner copie de ma lettre a M. Renan;
mais ce n'est qu'une lettre, et je ne sais pas me resumer comme vous.
Mon jugement est tres incomplet et ne va pas au fond des choses. Je suis
en train de lire Strauss, Salvador et la belle pr
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